Le ministre du secteur assure que tous ceux qui ont usurpé la qualité d'ancien maquisard ne pourront plus prétendre à une rente. Le ministère des Moudjahidine semble avoir joint le geste à la parole. Après avoir confirmé l'existence de faux maquisards — 10 000 selon les statistiques officielles — le chef de ce département est passé à l'acte en initiant une opération d'assainissement à grande échelle. Dans une déclaration hier à Liberté, peu avant l'ouverture du Xe congrès de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Mohamed-Chérif Abbès a révélé la suppression des pensions attribuées à des personnes qui ont fait l'objet d'enquêtes concluantes sur l'usurpation de qualité d'ex-maquisard. Selon ses dires, l'opération d'épuration est menée de manière progressive. Ira-t-on jusqu'à mêler la justice à cette affaire en poursuivant les faussaires ? Dans une conférence de presse tenue à la veille du cinquantenaire de la Révolution du 1er-Novembre-1954, le ministre des Moudjahidine avait esquivé cette question. Le recours aux tribunaux viendrait à médiatiser davantage le scandale, ce qui embarrasserait davantage les autorités. Déjà qu'il leur a fallu énormément de temps pour reconnaître l'existence de brebis galeuses, les confondre publiquement donnerait lieu à des règlements de compte qui viendraient à discréditer la Révolution. C'est le cas actuellement avec la polémique engagée entre le ministère, l'ONM et un groupe d'anciens maquisards. Les uns et les autres s'accusent ouvertement d'être des faussaires. Le groupe des opposants à l'establishment est mené par Mustapha Bougouba, un ancien officier de la wilaya IV. Ayant largement défrayé la chronique, il estime le nombre des faux moudjahidine à un million, dont un bon nombre occupe de hautes fonctions, parmi eux, le ministre des Moudjahidine. M. Bougouba a tenté, hier, d'entrer au Palais des nations (Club-des-Pins) où se tenait le congrès de l'ONM avec l'intention de l'empêcher. Vêtu d'un treillis, il s'est employé à franchir le barrage de la gendarmerie, d'où il a été refoulé. D'abord silencieuses face à ses attaques et ses révélations, ses cibles ont fini par réagir en lui renvoyant l'accusation dont il les accable. “Ce personnage est un faussaire. Il y a même des documents qui prouvent qu'il faisait partie de l'armée française”, soutient Mohamed-Chérif Dâas, secrétaire général par intérim de l'ONM. Pour autant, des usurpateurs “comme Bougouba” représentent à ses yeux une infime minorité. M. Dâas va jusqu'à douter des chiffres avancés par son compagnon de l'exécutif. “Je ne sais pas s'il a véritablement parlé de 10 000 faux moudjahidine”, affirme-t-il dubitatif. De son côté, l'ONM ne dispose d'aucune statistique sur ce dossier. Son chef ne sait même pas combien de moudjahiddine compte le pays. “Je ne saurais vous répondre”, s'excuse-t-il auprès des journalistes. En revanche, il souligne la poursuite de la délivrance des attestations communales. “Il y a des gens qui n'ont pas cru utile d'en faire la demande comme Aït Ahmed, président du Front des forces socialistes”, explique M. Dâas. Tout le drame est pourtant là, dans l'octroi à tout va du statut de moudjahid. Ceux qui ont à le dénoncer l'ont payé. L'exemple de Benyoucef Mellouk, ancien directeur du contentieux au ministère de la Justice est éloquent. Pour avoir épinglé des magistrats faussaires, il a tout perdu, son travail et sa tranquillité. S. L./ L. B.