L'attentat meurtrier du 7 janvier à Paris contre le journal satyrique Chalie Hebdo a soulevé à Beyrouth l'indignation générale. Pour la classe politique libanaise, toutes tendances confondues, pour les autorités religieuses, sunnites, chiites, chrétiennes, druzes, pour les intellectuels, mais aussi pour la rue, aucune religion ne justifie pareille barbarie qui porte atteinte aux valeurs humaines universelles. Excepté des réactions d'imams salafistes qui mettent en avant la provocation des journalistes de Charlie Hebdo, premier responsable, selon eux, du bain de sang, par leurs insultes à l'encontre de l'islam, l'immense majorité condamne sans exception. Dans son édition libanaise du 8 janvier, le quotidien saoudien Al Hayat manifestait sa solidarité avec le gouvernement français. Le lendemain, Al Mustaqbal, le journal du leader sunnite Saâd Hariri, illustrait son numéro du jour par un "Je suis Charlie" en toutes lettres, couvrant la largeur de sa première page, et plaçait les morts de Paris sur le même plan que les victimes du jihadisme en Syrie, en Irak et au Liban. Le "Je suis Charlie"... se confondant avec le : Je suis aussi le soldat syrien égorgé par Daech... Le citoyen libanais victime de l'islamisme... La famille irakienne chassée de sa maison par l'Etat islamique. Des propos hélas avérés, puisque trois jours après le drame de Paris, le Liban était frappé à son tour par un attentat. Le 10 janvier, des kamikazes se faisaient exploser dans un café du quartier Jabal al-Mohcin, à Tripoli, au Liban-Nord. 9 morts et 37 blessés selon un premier bilan dans cette attaque revendiquée par le Front Al-Nosra, un groupe islamiste allié à Al-Qaïda. Pour beaucoup de Libanais, les agressions de Paris et de Tripoli doivent fédérer les pouvoirs, mutualiser les moyens pour éradiquer cet ennemi commun. Gibran Bassil, le ministre libanais des Affaires étrangères, souhaitait ces derniers jours en commentant l'agression contre Charlie Hebdo que "cette guerre contre le terrorisme soit menée par tous les Etats du monde et par toutes les religions". À Beyrouth, dans un entretien qu'il nous a accordé, l'intellectuel et géopoliticien libanais, Samir Frangieh, exprimait le même vœu, tout en déplorant l'expansion de l'islamophobie en Europe. "La tragédie de Charlie Hebdo fait le lit des partis européens xénophobes. Si la diversité qui faisait sa richesse est en train de disparaître en Orient, l'Occident a, lui, du mal à l'accepter", conclut ce militant de la démocratie et du "Vivre ensemble". Pour lui, le jihadisme est peut-être une occasion d'unir l'Orient et l'Occident dans un combat commun. L. B.