En proclamant “la fin de la légitimité historique” dans le discours qu'il a prononcé devant l'ONM, le chef de l'Etat a signé le dernier acte d'une séparation devenue inévitable. Huit mois après la tenue de l'élection présidentielle qui avait déchiré le Front de libération nationale, la crise persiste dans toute son ampleur. Voire plus grave encore. À contre-courant des analyses qui misaient sur le retour en grâce de l'ex-parti unique sous la conduite des “redresseurs” au détriment des “légitimistes”, on prévoyait dans ces mêmes colonnes un éclatement du parti que ne rendaient pas immédiatement visible la réélection de Bouteflika et les ralliements opportunistes volant au secours des victoires annoncées. Parmi les ralliés de la 25e heure, certains avaient même participé à traquer leurs anciens alliés, partisans de Benflis, afin de rendre leur nouvelle allégeance plus visible. Bouteflika plébiscité, selon les résultats officiellement proclamés, on attendait de lui qu'il chatiât tous ceux qui s'étaient rendus coupables d'insubordination en soutenant la candidature d'Ali Benflis. On avait espéré au moins une dissolution de l'Assemblée nationale pour renvoyer à leur foyer tous les félons et les remplacer par des “redresseurs” qui conforteraient la base légitime du président de la République. Faux calcul. Bouteflika n'avait pas besoin de rechercher un élargissement de sa base politique vu l'ampleur du score annoncé, acquis avec le soutien de forces politiques et sociales diverses. En s'impliquant dans la vie organique du FLN, il prenait le risque de redevenir un président “partisan” alors qu'il s'est toujours présenté comme un candidat du consensus. Le président était d'autant moins intéressé que Belkhadem et ses pairs étaient à sa dévotion alors qu'il préfère les conquêtes subtiles plus savoureuses à ses yeux. Comme celle qui lui avait permis de se faire adouber par l'ANP en 1998. Ou celle, plus récente, qui lui a permis de s'affranchir de sa tutelle. Le contrôle du FLN est, par ailleurs, d'autant moins séduisant que le “vieux parti” a perdu tous ses ténors, disparus, à l'image de Messâadia, ou tentés par d'autres cadres politiques comme c'est le cas pour Mehri, Hamrouche, Ben Bella et d'autres vétérans de la guerre d'indépendance pour lesquels le FLN a cessé d'incarner les idéaux de la Révolution et demandé qu'il soit rendu à tous les Algériens. L'indifférence de Bouteflika à l'égard de la crise qui secoue le FLN a révélé toute sa signification mercredi dernier avec le discours prononcé devant les congressistes de l'ONM dont il était le prestigieux invité et qui lui ont confié la présidence d'honneur de leur puissante organisation. En proclamant lors de cet important rendez-vous, plusieurs fois reporté, la fin de la légitimité historique, Bouteflika s'adressait en réalité au FLN. Sans projet d'avenir, le parti continue de se réclamer du seul combat pour l'indépendance afin de garder le pouvoir. Or, l'indépendance est un héritage national sacré qui ne peut pas échoir au seul FLN dans un pays qui a tourné la page du parti unique et qui se réclame des valeurs démocratiques. C'était la substantifique moelle du message délivré par le président de la République, et le FLN ne devrait même plus se contenter d'une réformette interne pour prétendre dominer le paysage politique. S'ils veulent un avenir politique brillant, Belkhadem, Tou et consorts sont ainsi invités à se lancer dans des combats plus valorisants que cette agitation dérisoire qui ne fait qu'écorcher l'image de la classe politique aux yeux des électeurs. Y. K.