48 heures après le discours de Bouteflika signifiant “la fin de la légitimité historique”, les congressistes ont répondu par un appel au “regroupement de la famille révolutionnaire”. Cette démarche de l'ONM vise à maintenir son influence sur l'échiquier politique. Parmi les rapporteurs des cinq commissions (histoire, culture et information, politique générale, affaires économiques et sociales, organique et validation de qualité de membre) du congrès de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), qui se sont succédé au troisième et dernier jour des assises hier, à la tribune du Palais des nations, pour la lecture de leurs recommandations, le représentant de la commission des affaires économiques et sociales a été, de loin, le plus prolixe. Son compte rendu lu en plénière a duré plus d'une heure. Il a comporté des revendications “gargantuesques”. La plus sidérante a trait au triplement du montant de la pension des moudjahidine. Selon l'intervenant, cette rente de l'ordre de 25 000 dinars actuellement doit passer à 80 000 DA. Le déclin du pouvoir d'achat et la paupérisation de la société motivent, à ses yeux, l'augmentation souhaitée. Une série d'autres requêtes ont étayé son long propos. Elles vont de la prise en charge totale des frais du hadj à l'édification d'infrastructures sanitaires spéciales pour les anciens combattants, en passant par le remboursement des médicaments à hauteur de 100%, la minimisation du taux d'imposition sur la retraite, des facilitations dans l'obtention de prêts pour des projets d'investissement, le droit prioritaire au logement, etc. Autant de propositions qui ont inévitablement obtenu l'assentiment de l'assistance. Rares, en effet, sont les moudjahidine ayant contesté cette demande. Ceux-là, très solitaires, étaient surtout préoccupés de sauver leur honneur et préserver l'authenticité de la Révolution des opportunistes de tout bord. Outre les rentiers, les usurpateurs sont leurs ennemis. Et c'est de toute évidence qu'ils ont exigé leur châtiment. “Le ministère des Moudjahidine doit poursuivre les faussaires en justice”, a réclamé un tribun. Un autre a estimé que cette affaire relève du “scandale”. Mais leurs dénonciations sont restées sans écho. Des dénonciations sans écho En principe, la question des faux moudjahidine aurait dû être un des points phare dans les débats, car elle porte un coup à la pureté de la Révolution. La récente confirmation par le ministre du secteur de l'existence de plus de 10 000 faussaires l'imposait à l'ordre du jour des congressistes. Aucune des cinq commissions mises en place n'y a fait allusion. Le secrétaire général par intérim de l'organisation, Mohamed-Chérif Dâas, a même mis en doute les assertions du représentant du gouvernement. Pour sa part, il dit n'avoir aucune connaissance de l'existence de faussaires. Pourtant, un incident intervenu dans la matinée au cours de la plénière suffira à dévoiler l'étendue du malaise. Montée à la tribune, une ancienne condamnée à mort, Fella Hadj Mahfoud, se lance dans un réquisitoire en bonne et due forme contre les faussaires. Se risquant à citer des noms, elle cible deux personnes présentes dans la salle. La première ne réplique pas mais demande réparation auprès du ministre des Moudjahidine. Celui-ci instruit le SG de l'ONM qui réprimande l'accusatrice. “Elle a enfreint les règles morales et statutaires du congrès”, s'élève Mohamed-Chérif Dâas. “Je confirme. De toute façon, la moitié de cette salle est constituée de faux moudjahidine”, soutient à nouveau Fella Hadj Mahfoud. Des membres de l'assistance tentent de la faire taire, mais elle résiste et poursuit son réquisitoire, plantée face à l'estrade. Résultat, les travaux sont interrompus en vue de rétablir le calme. Alors que l'inopportune intervenante est isolée dans une caféteria, Z'hor Ounissi, très offusquée, explique aux journalistes qu'elle avait affaire à “une dérangée, très jalouse de sa carrière”. L'incident est clos. Un second intervenant viendra perturber le cours du congrès dans l'après-midi. Il interviendra à la lecture du rapport de la commission organique. Accusé d'avoir falsifié les résolutions liées à la composition du secrétariat national et à l'élection du secrétaire général, le représentant de cet atelier est hué. Son intervention a failli transformer les assises en foire d'empoigne. Et pour cause ! Etant un enjeu crucial, la nomination du chef de l'ONM obéit à des calculs. Elle traduit aussi des appétits. Les uns et les autres cherchent la meilleure formule pouvant rallier un maximum de partisans. Un avenir incertain L'entreprise est si délicate qu'il faudra encore attendre quelques jours avant de connaître le nom du nouveau SG. Des sources laissent entendre que l'actuel intérimaire sera confirmé dans ses fonctions. À ce dernier échoira une mission de taille : rassembler la famille révolutionnaire en unifiant ses différentes organisations, dont celle des enfants des moudjahids et des chahids. Profondément ébranlés par le discours prononcé mercredi dernier par le président de la République à l'ouverture du congrès, les quelque 1 400 délégués de l'ONM craignent pour leur avenir. Devenus inutiles pour le pouvoir, décidé à en finir avec la légitimité historique, ses différents satellites font de la résistance. Tel est leur objectif. Quant à cette autre mission relative à la préservation de la mémoire de Novembre, elle est soit négligée, soit réduite à un combat d'arrière-garde contre les harkis et les pieds-noirs. “Nous leur défendrons de revenir en Algérie, peu importe leurs raisons”, promet le rapporteur de la commission histoire. Il y a quelques mois pourtant, une délégation d'anciens pieds-noirs s'est rendue en Algérie, sur invitation du chef de l'Etat. S. L./ L. B.