Vladimir Poutine a perdu la première bataille du combat qu'il mène contre le passage de l'Ukraine à l'Ouest. Assurément Kiev n'était pas entièrement sous l'emprise russe, comme on pouvait le croire. L'invalidation du scrutin présidentiel par la Cour suprême ukrainienne le confirme. Il s'agit là d'une grande gifle pour le Kremlin, dont les intérêts dans ce pays sont plus que jamais menacés. Durant les trois semaines qui précéderont le nouveau second tour entre Viktor Ianoukovitch, l'homme de Vladimir Poutine, et Viktor Iouchtchenko, la Russie ne ménagera aucun effort pour reprendre le contrôle de la situation. Moscou devra batailler dur pour espérer damer le pion à tous les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, qui sont les bailleurs de fonds de l'opposition ukrainienne. L'importance stratégique de l'Ukraine pour l'Occident et la Russie surtout laisse présager d'un rude combat entre les deux antagonistes. L'éclatement de l'URSS en 1991 n'a pas apparemment pas mis un terme à la guerre froide que se livrent Moscou et Washington. Les républiques “indépendantes”, nées des décombres de la défunte Union des républiques socialistes soviétiques, constituent toujours l'enjeu de la nouvelle bataille entre les deux camps. En effet, de par les intérêts hautement stratégiques de la Russie, centrales nucléaires et centres spatiaux particulièrement, dans un grand nombre de ces Etats et les emplacements géographiques de ces derniers, il était évident qu'ils allaient devenir les enjeux de la suite de la guerre froide. Ce qui s'est passé l'année dernière en Géorgie et ce que traverse l'Ukraine depuis quelques semaines le prouvent, si besoin est. Ayant retenu la leçon de Tbilissi, Vladimir Poutine ne lâche pas prise à Kiev où il n'a pas encore dit son dernier mot. L'évolution de la situation se caractérisant par une tendance à la scission de l'Ukraine en deux traduit parfaitement le retour en force de la Russie dans ce combat. D'ici le 26 décembre, date fixée par la cour pour un nouveau second tour, l'on verra plus clair dans cette crise. Les observateurs n'excluent pas, à voir les développements de la situation, un éclatement de l'Ukraine en deux Etats distincts. Des voix se sont, en effet, élevées dans la partie orientale du pays, d'expression russe et favorable à Viktor Ianoukovitch, pour demander une autonomie de la région. C'est dire le danger qui menace l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Cela montre également jusqu'à quel point l'Occident et la Russie peuvent aller pour garder dans leur giron Kiev. La grande victime de ce duel sera inévitablement l'Ukraine. K. A.