Pressé par le gouvernement d'expédier les deux projets de loi en question, le président de l'APN, déjà dans une mauvaise posture, du fait des tiraillements au FLN qui ont déteint sur le bureau de son institution, a offert aux députés l'occasion inespérée de lui porter l'estocade. Pour avoir cédé un peu trop facilement aux désidératas du gouvernement, le président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Mohammed Larbi Ould Khelifa, a provoqué, avant-hier, un vent de révolte au niveau de l'hémicycle. Mal lui en a pris, en effet, d'avoir réaménagé au pied levé et sans avis préalable le menu de la plénière au prétexte qu'une extrême urgence recommandait de débattre de deux projets de loi, relatifs l'un à la lutte contre la violence à l'égard des femmes et l'autre à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Les députés se recrutant dans la chapelle islamiste de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV), mais aussi ceux siégeant sous les bannières du Front des forces socialistes (FFS) et du Parti des travailleurs (PT) se sont élevés contre le grave impair commis par Ould Khelifa qui, en modifiant à la hussarde l'ordre du jour de la plénière, s'est rendu coupable de la violation du règlement intérieur de l'APN, notamment son article 55 qui dispose qu'un projet de loi ne peut être programmé pour débat au niveau de la plénière si le rapport préliminaire y afférent, rédigé par la commission idoine, n'est pas remis aux députés trois jours francs avant la plénière. Les trois entités parlementaires ont boycotté la plénière. À raison, faut-il le souligner. Pressé par le gouvernement d'expédier les deux projets de loi en question, le président de l'APN, déjà dans une mauvaise posture, du fait des tiraillements au FLN qui ont déteint sur le bureau de son institution, a offert aux députés l'occasion inespérée de lui porter l'estocade. "Toute modification de l'ordre du jour de la plénière devrait être décidée par la réunion du bureau de l'APN, or cela n'a pas eu lieu", a accusé le député Lakhadar Benkhellaf du Front pour la justice et le développement (FJD). La remarque est judicieuse. En effet, le bureau de l'APN a cessé de se réunir depuis que le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, fait pression sur Larbi Ould Khelifa pour "dégommer" un de ses vice-présidents, en l'occurrence Maad Bouchareb, objet d'une mesure disciplinaire au sein du FLN. Ne pouvant accéder à la demande de Saâdani, puisqu'il n'est pas dans sa prérogative de renvoyer un vice-président de l'APN qui est élu par ses pairs, Larbi Ould Khelifa a choisi de ne pas réunir le bureau de l'APN. Cela ne sera pas sans conséquences malheureuses sur sa gestion de l'institution parlementaire. Il est pris en flagrant délit de violation du règlement intérieur, au respect duquel, il est censé veiller, lui en premier. Acculé par les députés, Ould Khelifa avait peine à justifier sa décision de chambouler de la sorte l'ordre du jour de la plénière. Le ministre de la Justice, garde des Sceaux a-t-il piégé Ould Khelifa ? En quelque sorte, sommes-nous tentés d'affirmer, puisque l'urgence convoquée par le président de l'APN pour expliquer l'entorse au règlement intérieur est induite par la nonchalance avec laquelle le gouvernement a travaillé pour finaliser les deux projets de loi en question. En effet, les deux projets de loi répondent à une injonction du Groupe d'action financière (Gafi) et du Conseil de sécurité des Nations unies, quant à la mise en conformité des lois algériennes, notamment celle relative à la lutte contre le blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, avec les chartes et conventions internationales. Le Gafi avait inscrit depuis l'automne dernier l'Algérie sur la liste grise et il a menacé de la déclarer sur la liste noire si elle ne se s'y conformait pas de manière diligente. Le gouvernement avait suffisamment le temps de réagir à cette injonction, mais il a préféré laisser s'égrener les mois. Une source proche du ministère de la Justice accuse de la lenteur dans la transmission des deux textes au Parlement sur le dos du ministère des Relations avec le Parlement. La session d'automne du Parlement devant clôturer ses travaux le 2 février prochain, le gouvernement a été donc obligé de bousculer le Parlement. Surtout que le risque encouru est grand. L'inscription sur la liste noire du Gafi implique la mise en branle de contre-mesures très lourdes sur la finance du pays incriminé. Il s'agit pour l'Algérie, entre autres, de mesures contre les banques nationales, le refus de créer des succursales de banques étrangères, en un mot, un blocus contre les banques et institutions financières. S.A.I.