"Le gaz de schiste est le facteur déclencheur des revendications longtemps étouffées", c'est Abdelaziz Rahabi qui l'affirme en expliquant que le mouvement de contestation qui va boucler sa quatrième semaine à In-Salah est parti pour durer. Pour l'ancien ministre et ambassadeur, "ce qui se passe dans cette région du sud du pays est d'abord la fin d'une époque où tout se décidait sans concertation ni même consultation du peuple". Ensuite, il estime que la difficulté de l'Exécutif à se faire entendre trouve son origine dans la faillite des relais traditionnels qui n'ont pas pu prévoir une contestation aussi importante pour un projet aussi stratégique qu'est le développement du secteur des hydrocarbures. Enfin, on assiste à l'émergence d'une nouvelle élite et d'une société civile qui se veulent nationalistes battant ainsi en brèche la propagande de ceux qui veulent salir la révolte. La dénomination du "comité des 22", en référence à la guerre d'Indépendance, n'est pas fortuite, estime Abdelaziz Rahabi qui nous livre son analyse politique de la situation au-delà de l'aspect technique qui est laissé aux experts. "Il s'agit aujourd'hui d'arrêter de prendre des décisions sans consultations surtout lorsque ceux qui prennent les décisions sont loin des préoccupations des personnes concernées. C'est la question de la gouvernance qui est posée", souligne l'ancien ministre, qui explique que "l'émergence des élites locales et l'impact des TV privées et d'Internet, ainsi que la disqualification des relais traditionnels font qu'aujourd'hui, les citoyens réagissent en dehors des cadres révolus". Pour Rahabi, la "révolte des populations d'In-Salah pose en fait la problématique de la répartition des richesses". "Nous avons fait des études où il était clairement établi que lorsque 100 DA sont dépensés pour le Nord, il est établi aussi que ce ne sont que 20 DA qui le sont pour le Sud", dira-t-il. Abordant l'aspect sécuritaire de la question et le fait que la contestation a lieu au moment où la situation des pays frontaliers se dégrade davantage, l'ancien ministre estime que "le gouvernement a oublié que l'aspect sécuritaire le plus important au Sud n'est pas la fermeture des frontières puisque les habitants du Sud ne reconnaissent pas les frontières en tant que telles, mais ce sont les habitants eux-mêmes qui sont le symbole de la sécurité nationale". Pour Rahabi, il est clair que la contestation de In-Salah s'inscrit dans le sillage des événements du Printemps arabe tout en faisant remarquer que la contestation se déroule de façon pacifique et que l'objectif est de défendre l'une des richesses les plus sacrées dans le Sud qui sont d'abord les réserves en eau. "On assiste à l'émergence d'une société civile qui est consciente que le Sud n'est pas uniquement important en termes de réserves en hydrocarbures, mais aussi en eau", soutient l'ancien diplomate qui conclut que "l'époque de la marginalisation, dont le Sud a été victime, est définitivement terminée". S.T.