Quatre bouches souterraines sur huit à la place Kennedy (El-Biar) sont fermées, au même titre que la galerie marchande de la Grande-Poste et celle d'Asselah-Hocine. Quel est donc l'intérêt prétendument d'utilité publique qu'ont produit les passages tunnels d'El-Biar, de l'avenue du 1er-Novembre et d'autres galeries marchandes de l'avenue Asselah-Hocine et de la Grande-poste en matière de bienfaits et de gain de temps sur le quotidien du contribuable ? Sinon rien ! Ou plutôt le déficit d'une lourde allocation de lignes de crédits du Trésor public placés à tort dans des infrastructures qui n'ont pas eu l'effet attendu sur la fluidité piétonnière. Pour l'histoire, tout a commencé en 1982, soit en l'an 20 du recouvrement de l'indépendance nationale, où la tendance urbaine voletait, on s'en souvient, au ras du sol pour y excaver des passages tunnels ici et là à Alger. Dès lors, l'ordre de service était notifié à l'équipe d'ouvriers de l'opérateur slave Hydroelektra d'y aller à l'allure cadencée de l'assourdissant marteau-piqueur pour y enfouir à tout jamais l'espace ambiant et convivial de la placette John-Fitzgerald-Kennedy d'El-Biar. Pour qui s'en souvient, la place J.-F.-Kennedy était l'endroit rêvé où il faisait bon se détendre à l'ombre de la séculaire palmeraie en dessous de laquelle ruisselait jadis le doux clapotis du bassin, situé tout près du parvis de la mairie, et où barbotaient des poissons rouges Outre cela, il y eut également la perte de ce sol enjolivé d'un dallage de mosaïque au ton ocre, où il n'était nul besoin d'un bâton de craie pour y schématiser le jeu de la marelle, qui permettait aux enfants de "sauter sur un pied" pour s'élever vers l'univers innocent de l'enfance. Quoi qu'il en fût, la conduite de l'ouvrage à la hussarde a enseveli pour l'éternité l'écran de cinéma Paradiso, ou ce qu'il était convenu d'appeler le cinéma "tâa el-hite", ainsi que les kermesses d'autrefois et les galas de variétés musicales. Alors, et pour exprimer son désaveu, particulièrement à une époque où la critique était synonyme d'acte condamnable de... "chaouchara" (contestation), l'El-Biarois s'est mis à bouder un tunnel auquel il tourna le dos. S'il en est une preuve, les piétons, notamment la gent féminine, s'obstinent à traverser au passage protégé esquissé sur l'avenue Bounâama-Djilali, au motif de l'insécurité de la galerie. C'est dire l'échec qui a auréolé l'objectif initial de "discipliner" l'afflux de piétons. En effet, sitôt passé l'enchantement de l'inauguration du tunnel d'El-Biar, les bénéficiaires d'échoppes ont tôt fait de mettre la clé sous le paillasson à cause de la chute brutale du taux de fréquentation du souterrain qu'était synonyme de faillite. Il en reste néanmoins une poignée d'irréductibles qui résistent à l'allure cahin-caha dans la cordonnerie et la clef minute. Un investissement coûteux Aujourd'hui que l'on évoque le tunnel qui est identique au conte de Mesmar Djeha (le clou de Djeha), la municipalité ne "tire" aucun avantage fiscal de ce corridor, bien qu'il fût foré sur son territoire. Authentique ! Du fait que la gestion du passage souterrain relève en ce moment de la régie foncière de la wilaya d'Alger, après qu'il eut été géré par l'établissement EGCTU. D'ailleurs, s'il n'en tenait qu'au maire, ce dernier l'aurait obturé, histoire de restituer à El-Biar l'image qui était la sienne. Ainsi s'exprimait le maire d'El-Biar, Mohamed Labdellaoui, dans une interview publiée dans le premier numéro du magazine El-Biar Mag. Maintenu vide d'idées et de sens, l'ouvrage est abandonné ainsi au seul jugement de ses auteurs. Et depuis, le tunnel de la place J.-F.-Kennedy s'étiole de ses arceaux et de son espace boutiques par le fait d'un délaissement causé par ceux-là mêmes qui se glorifiaient de sa construction. Non satisfait de l'infructueuse expérience et du revers cinglant du tunnel d'El-Biar, d'identiques schémas ont été reconduits à proximité de l'ancien bureau de poste d'"Alger-bourse" de l'avenue du 1er-Novembre, où le piéton préfère la flânerie en surface plutôt que de s'engager dans la pénombre de bouches de tunnel, où l'air est chargé de moisissure. Pendant ce temps, et à l'ancienne rue Waisse, qui s'ouvre sur l'avenue Asselah-Hocine, nul ne s'aventure à l'intérieur du tunnel, qu'est situé sous le "darbouz" (la rampe) baptisé au nom du chahid Benboulaïd-Mustapha. S'agissant du tunnel de l'esplanade de la Grande-Poste, force est d'admettre qu'il n'y a pas foule en raison de l'insalubrité et du climat d'insécurité qui y règne. Au final et avec un peu de recul, c'est à s'interroger sur l'intérêt qu'il y avait à consentir autant d'investissements lourds, dont la capitale aurait très bien pu faire l'économie. Dans ce cas-là, et pour éviter que les rangées de boutiques de ces tunnels n'échoient dans les rets du pouvoir de la "chkara" d'argent, le mieux est de verser l'espace commercial à l'exclusivité de la corporation d'artistes peintres, potiers, sculpteurs et autres artisans du terroir local, afin de conférer à ces sites le sceau culturel en vertu de l'instruction présidentielle des 100 locaux par commune. Au demeurant, et à l'heure où la tendance est à l'aménagement des trémies, on aurait pu temporiser et engager une réflexion multisectorielle pour éviter tant de gâchis. L.N.