Résumé : Mordjana est offusqué. Sa mère attend encore un enfant, et veut sacrifier son avenir. Elle tente de se révolter contre cette injustice. En vain. Sa maman trouve que la cadette de ses filles est plus raisonnable, car elle n'est pas aussi ambitieuse qu'elle, et rêve déjà de fonder un foyer et d'avoir des enfants... Mordjana ne voyait pas les choses de cette façon. Sa mère s'approche d'elle, les sourcils froncés : -Tu parles comme ces femmes qu'on voit à la télé... Qui t'a donc appris ces sornettes ? -Ce ne sont pas des sornettes maman... C'est la réalité ... Une femme de nos jours doit faire face elle-même aux aléas, et ne compter que sur elle-même pour atteindre ses objectifs... -Je crois que je ferais mieux de me remettre au travail... Apparemment on t'a bien farci le crâne dans cette école... J'ai bien fait donc de t'empêcher d'y retourner. -Je t'en supplie maman... Je... -Chut... Pas un mot de plus... J'ai dit que tu n'iras plus à l'école et je ne reviendrai pas sur ma décision... Tu feras mieux d'aller préparer un biberon pour ton petit frère qui vient de se réveiller de sa sieste... Je l'entends qui pleure déjà... La mort dans l'âme, Mordjana se rendit dans la cuisine. L'après-midi tirait à sa fin, mais la chaleur persistait. Elle ouvrit toutes grandes les fenêtres et jette un coup d'œil dans la rue. Son père n'était pas rentré depuis deux jours... Il était parti à Ouargla pour acheter de la laine... Ce n'était pas très loin, mais elle savait qu'il profitait toujours de ses déplacements pour rester éloigné le plus longtemps possible de la maison... Ses parents étaient irresponsables... ! Omar, le petit dernier de la famille, venait de boucler ses dix mois... Il était dodu et marchait à quatre pattes... A sa vue, il sourit, découvrant quatre petites dents centrales... Il était adorable dans sa chemise bleue qui le couvrait à moitié, et ses joues rebondies lui donnaient un air poupin. Mordjana le soulève et se met à rire en tirant sur une mèche de ses cheveux... La jeune fille lui montre le biberon : -Tu as faim Momo... Hein... Tu as faim ? Il cligne des yeux et tendit la main vers son repas. Mordjana l'embrasse et lui donne son biberon. Une fois repu, elle le dépose sur un tapis, et lui remet un jouet avant de s'éloigner. Il était temps de préparer le dîner. Les années passent. Le quotidien de Mordjana ne changea pas pour autant. Sa mère avait eu d'autres enfants, et elle s'était vue dans l'obligation de la remplacer auprès d'eux. C'était elle qui entretenait la maison, préparait les repas, suivait ses cadets dans leur scolarité et s'occupait de l'éducation des derniers-nés. Ils étaient maintenant quinze enfants à la maison. A son dernier accouchement, sa mère avait failli perdre la vie, et les médecins durent pratiquer une ligature de trompes pour l'empêcher de tomber encore enceinte. Mordjana se rappelle de ses larmes, lorsqu'elle avait appris qu'elle ne pouvait plus enfanter. Quelle inconscience ! s'exclame la jeune fille... Tout ce monde à la maison ne lui suffisait donc pas... ? Tous ces aléas quotidiens dus au manque d'espace et de nourriture n'étaient donc pas des entraves pour elle ? -Maman, pourquoi as-tu fait autant d'enfants ? se hasarde-t-elle à demander un jour. Loin de trouver une réponse logique, sa mère lui avait répondu : -Le prophète disait que la fortune et les enfants était bénis dans ce monde... Quiconque s'arrête de procréer est destiné à griller en enfer. -Ce n'est pas vrai maman... Dieu a demandé que nous soyons justes et tolérants... Que nous ne devrions pas malmener nos enfants, ni les jeter dans la rue... Nous sommes des humains, non des animaux... Chacun de nous devrait réfléchir mûrement avant de penser à avoir des enfants... -C'est Dieu qui donne la vie et c'est Lui qui pourvoit à nos besoins. -Je suis d'accord avec toi... Mais Dieu nous a dotés d'un cerveau et d'une intelligence... Nous devrions être perspicaces dans notre existence... Sa mère secoue la tête d'un air navré : -C'est encore cette maudite école qui t'a bourré le crâne... -Non... L'école nous permet d'ouvrir les yeux... -Oui... Et d'ignorer les paroles de Dieu et de son prophète... -Absolument pas. C'est plutôt à l'école que nous apprenons le plus, et comprenons mieux les directives du divin. -Hum... Tu ne peux pas comprendre les directives du divin si tu t'entêtes à me désobéir et à me tenir tête Mordjana... à suivre Y. H.