Sorti l'année dernière aux éditions Barkat, le troisième livre d'Abdelkader Hammouche est passé presque inaperçu pourtant avec l'affaire "Charlie Hebdo" et tous les débats qui s'ensuivirent notamment sur la liberté d'expression et la place du journaliste. Ce livre se présente comme une réponse à tous les amnésiques de la mémoire. Sur 136 pages, l'auteur nous replonge dans l'Algérie des années 1990 et le calvaire vécu par les journalistes pour qui l'espace principal est la salle de rédaction devenue ultime refuge. Depuis longtemps, les journalistes ont déserté leurs maisons et été privés des êtres chers. L'ambiance décrite nous rappelle ces années noires où chaque semaine tombait un des nôtres. L'auteur commence par l'assassinat de Tahar Djaout (Farid Nabilat dans le texte). Ces quelques lignes suffisent à l'identifier : "Nabilat est un intellectuel de renom. Sa mort serait une grande perte pour le pays... lui le commentateur politique dont les chroniques sont attendues, chaque semaine, avec impatience par des centaines de milliers de lecteurs." (p 26). Puis celle de Saïd Mekbel. Puis le massacre de Bentalha. Tout y est rapporté comme dans un journal, avec les peurs, l'éloignement de la famille, le sacrifice des gestes quotidiens d'avant et encore cette peur humaine qui oblige à prendre le chemin d'un exil temporaire. Le narrateur s'y est essayé en partant en France. Armé de quelques numéros de téléphone, il trouve les portes fermées, lui qui a longtemps cru à la solidarité dans la profession. Son pécule s'amenuisant, l'éloignement insupportable le fait revenir chez lui. Plus d'une centaine des meilleurs d'entre nous nous ont quittés et, à de rares exceptions, il n'y eut une quelconque solidarité, voire une manifestation de sympathie. Juste pour rappel. La décision demeure un document sur les années noires et la terreur semée par un terrorisme aveugle, conforté par la thèse du "Qui tue qui". A. T.