Il s'agit, avant tout, d' «un hommage au génie littéraire et au talent visionnaire de Djaout», a expliqué M.Fetmouche. Un grand moment en perspective! Attendu surtout par toute la profession, le Festival national du théâtre professionnel continue son petit bonhomme de chemin dans sa 4e édition. Cette fois-ci, c'est au tour du Théâtre régional de Béjaïa de présenter un chef-d'oeuvre de Tahar Djaout intitulé Les Vigiles, adapté et mis en scène par Omar Fetmouche, avec une scénographie de Zaâboubi Abderrahmane, et la musique de Bazou. Le TRB, participe en concurrent et surtout, après une expérience florissante en 2007, puisque lauréat de la première distinction avec la pièce intitulée Le Fleuve détourné de Rachid Mimouni. A l'occasion, et en présence de Mme Djaout et de ses filles, la grande salle du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi a connu une affluence record dimanche dernier à 20h. C'est sur un fond de métier à tisser, deux espaces, l'un romanesque, l'autre de la représentation théâtrale, que la narration-lecture débute et, tel un écheveau, la trame se tisse et alors, on se laisse conter. Fidèle aux idéaux de l'auteur, le metteur en scène s‘est penché sur l'histoire et surtout sur cette période noire de l'Algérie qui a vu la fine fleur du pays décapitée au nom de l'idéologie intégriste. Tahar Djaout, qui a été victime de l'obscurantisme parce qu'il était journaliste et incarnait la mémoire contre l'oubli. Tels que Medjoubi, Alloula, Belkhenchir, Chergou, Mekbel, Boukhobza, Liabès et tant d'autres cadres qui ont subi le sort macabre décidé par une secte d'assassins. Un élément qui servira sans doute à perpétuer le devoir de mémoire et une façon originale de lutter contre l'amnésie. Car les intellectuels constituaient à cette époque la cible privilégiée. Le retour vers les origines est de mise dans cette pièce. Puisant dans les valeurs du terroir. Il y a du Camus et du Kateb chez Djaout, surtout ce regard implacable sur la société algérienne, il y a aussi cette filiation forte avec Mammeri et un goût prononcé pour la description et la consistance. La distribution repose sur une pléiade de talents confirmés. La pièce de théâtre est donnée sur un rythme et une performance remarquables, aérée par des chants, des danses et surtout un humour des plus corrosifs. Le passage du roman à la représentation est réussi, d'où l'émotion qui était à son comble. Par moment, il était même difficile de retenir ses larmes. Incluant parmi ses personnages une petite fille, Kenza, faisant son apparition avec un livre, un passage qui n'est pas forcément en relation avec la situation à laquelle est arrivée la pièce. A la fin de la pièce, la salle est extrêmement émue, car Fetmouche fait intervenir un refrain célèbre de la chanson de Lounès Matoub: Kenza, ma fille. Des voix féminines interprètent en choeur des extraits du texte du poète le plus engagé. Au fur et à mesure que la chanson du Rebelle est interprétée, les photos de quelques victimes du terrorisme défilent sur scène tels que Saïd Mekbel, Smaïl Yefsah, Tahar Djaout, Djilali Liabès et tant d'autres. Ce travail d'adaptation n'est pas aisé. Respectueux de la mémoire de l'écrivain disparu, Omar Fetmouche dira: «Cette difficulté d'adaptation provient de notre souci premier de demeurer fidèle aux idées véhiculées par l'auteur. A ce niveau de la charge création/ adaptation, il lui fallait déterminer le protagoniste de la fable et mette en exergue sa quête du savoir.» Il s'agit, avant tout, d'«un hommage au génie littéraire et au talent visionnaire de Djaout», a expliqué M.Fetmouche. Et d'avouer qu'«on s'est astreint à un exercice délicat pour sauvegarder la profondeur du message de Djaout. On a adopté une alternance harmonieuse entre le jeu théâtral et la lecture de l'oeuvre par fidélité à son esprit et à son authenticité», a t-il avoué. Un véritable régal, une bouffée d'oxygène Qui traite de la culture ou de la société, et malgré les limites imposées.