Le phénomène de la corruption, de l'évasion fiscale, de la fuite des capitaux et du blanchiment d'argent vers les paradis fiscaux revêt un caractère transnational et n'est donc pas propre à l'Algérie. Mais existe-t-il une réelle volonté politique de lutter contre ce fléau chez nos gouvernants ? L'éventuelle implication de centaines d'Algériens dans le scandale Swissleaks concernant le groupe bancaire mondial HSBC (qui possède une filiale en Algérie) est, pour l'opinion publique nationale, un secret de Polichinelle. Les citoyens algériens savent que l'argent sale, engrangé à travers les transactions commerciales spéculatives de l'import-import et de la fraude fiscale, est transféré illicitement à l'étranger. Pourtant, au regard des textes législatifs et réglementaires, de la multiplication des organismes de contrôle des transactions commerciales intérieures et extérieures, des opérations de change, de lutte contre la corruption, l'on serait tenté de répondre par la négative. Sauf que la réalité du fonctionnement de nos institutions et de notre économie nous renvoie une image moins idyllique. Evidemment, nous ne vivons pas en autarcie, tant le monde s'internationalise et l'économie se mondialise. En vérité, l'ampleur qu'avait prise le capital financier spéculatif et les désastres qu'il a causés ont été révélés au grand jour par la crise de l'économie occidentale en 2008, qui n'a pas été sans impact sur notre pays. L'éclatement de la bulle financière, le scandale inhumain des subprimes, l'effondrement de la mythique cité boursière de Wall Street, l'endettement des USA (au secours desquels les Chinois ont accouru avec un prêt de plus de 5000 milliards de dollars), les retombées désastreuses sur l'Europe du Sud, la montée au créneau des agences de cotation nous renseignent sur la perversion et les dérives de l'économie libérale quand elle se laisse dominer par le capital financier au détriment des forces de production de la sphère réelle. Au plan doctrinal, les théoriciens classiques et néo-classiques de l'histoire de la pensée et des faits économiques avaient cerné ces risques dans leurs réflexions. En Europe, qu'il s'agisse de la droite ou de la gauche, tous les dirigeants politiques et syndicaux ont stigmatisé les spéculations financières et pointé du doigt les paradis fiscaux. Qu'en est-il de l'Algérie ? Le défunt Boudiaf avait déjà évoqué le concept de "mafia politico-financière". Tout le monde sait ce qu'il est advenu de ce géant de la révolution algérienne. L'histoire lui a donné raison. Les scandales politico-financiers (Al-Khalifa Bank, Sonatrach I et II, l'autoroute Est-Ouest...) ont émaillé la dernière décennie. S'agissant spécifiquement de la fuite de capitaux, faut-il rappeler que la loi sur la monnaie et le crédit, de même que les textes subséquents, ainsi que les différents règlements émis par la Banque d'Algérie encadrent clairement la politique de change et instaurent un contrôle rigoureux sur les transactions financières douteuses avec l'extérieur. Par ailleurs, la dernière directive de la BA relative à l'investissement des nationaux à l'étranger tente de prévenir la fuite des capitaux et l'évasion fiscale. Elle a été diversement interprétée jusqu'y compris au sein du FCE. Certains chefs d'entreprise la jugent restrictive, voire contraignante ; d'autres estiment que c'est une avancée dans le sens de la libération des énergies créatrices de richesses nationales. Enfin, la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et au financement du terrorisme (sous la pression du GAFI notamment), pour mettre notre arsenal juridique en conformité avec les conventions internationales ratifiées par notre pays, de même que la chute brutale des cours des hydrocarbures ouvrent une fenêtre d'espoir sur la moralisation des activités économiques et commerciales nationales dans nos relations avec l'extérieur. Mais le contexte politique actuel, marqué par la "rupture" de la relation de confiance entre gouvernants et gouvernés, du fait de la déficience catastrophique de la communication des pouvoirs publics et du refus d'une démarche de concertation en direction des citoyens pour tout ce qui les concerne et engage leur devenir, pousse "l'homme de la rue" à dire que la fuite des capitaux est un secret de Polichinelle : "Nous savons que ces gens placent leur argent dans les banques étrangères et dans l'immobilier, notamment en Espagne après l'éclatement de la bulle immobilière dans ce pays."