Pour le spécialiste, le contexte actuel va conduire à une forte augmentation de la dette publique. Liberté : Avec la baisse du prix du pétrole, l'Algérie ne risque-t-elle pas de connaître de sérieuses difficultés financières ? Rachid Sekak : Tout d'abord, il convient de relever que la baisse du prix du pétrole n'est pas la cause de la crise mais en est le révélateur. Refuser cette évidence, c'est aussi refuser la remise en cause d'un modèle économique obsolète basé sur la rente et la dépense publique. Il y a néanmoins un élément d'optimisme. Actuellement, nos marges de manœuvre extérieures et budgétaires sont plus importantes qu'en 1986. Mais ces marges de manœuvre, bien réelles, ne doivent surtout pas être avancées pour justifier le statu quo et ne rien faire. La fenêtre de tir est étroite et j'ai envie de dire : "Ne pas s'alarmer, ne pas s'endormir et bouger dans la bonne direction et avec ambition". Plus d'orthodoxie est souhaitable. Vous soutenez que nos équilibres internes sont plus menacés à cinq ans que nos équilibres externes ? Ce n'est pas moi qui avance cela mais la dure réalité de la mécanique économique. En effet, ceteris paribus, un baril à 60 ou 70 dollars conduira à un niveau de réserves de change qui restera très substantiel à cinq ans, de l'ordre de 60 à 90 milliards de dollars. A contrario, de tels niveaux de prix du pétrole auront un effet très sévère sur notre dette publique qui sera multipliée par 9 ou 10 sur une période de cinq ans. Clairement et pour de nombreuses raisons, nos finances publiques actuelles ne sont pas viables et nous conduisent à un sérieux questionnement sur la capacité d'absorption de l'accroissement à venir de notre dette publique par le marché local. Et ce, dans le contexte attendu de l'assèchement des disponibilités actuelles du Fonds de régulation des recettes (FRR). Dans ce contexte, comment voyez-vous la gestion des banques locales sur les prochaines années ? Le contexte de ces 7 ou 8 dernières années était très favorable. Mais les contraintes de la gestion bancaire ont commencé à se resserrer et vont continuer à se compliquer. Beaucoup de banques privées vont probablement devoir réviser leur "business model". Deux explications sont à la genèse de cette probable remise en cause. La première, le texte de la Banque d'Algérie de 2013, fixant les règles générales en matière de conditions de banque applicables aux opérations de commerce extérieur, et celui de 2014 sur le niveau des engagements extérieurs des banques réduisent fortement l'attractivité du financement du commerce extérieur. La seconde, le contexte économique actuel va inéluctablement conduire à un assèchement rapide de la surliquidité bancaire. Le phénomène qui touche déjà de nombreuses banques privées va s'étendre et toucher aussi bien les banques privées que les banques publiques. La ressource va devenir rare et chère. Les banques et l'investissement privé seront en concurrence avec le Trésor public qui devra faire financer l'accroissement attendu de la dette publique. Il faudra déployer de gros efforts pour collecter la ressource (l'épargne), notamment dans l'immense vivier de la circulation fiduciaire hors banque, évalué actuellement à plus du quart de la masse monétaire. Le modèle de banque universelle reprend enfin tout son sens. R. K.