Les pharmaciens d'officine, sous l'égide de leur syndicat, dénoncent les enquêtes de la DCP et menacent de boycotter le médicament fabriqué localement si les marges arrières, consenties par les opérateurs pharmaceutiques, sont remises en cause. Producteurs et distributeurs s'inquiètent d'une situation qui risque d'impacter négativement sur l'industrie pharmaceutique nationale. La Direction de la concurrence et des prix, du département du Commerce, a entrepris, depuis bientôt un mois, des déplacements aux pharmacies d'officine pour s'enquérir de certains usages commerciaux. Selon Salah-Eddine Menaâ, porte-parole du Snapo (Syndicat nationale des pharmaciens d'officine), les agents de la DCP ciblent particulièrement les factures médicales de 2014 contenant des remises financières consenties par des producteurs locaux de médicaments génériques aux pharmaciens. Ces opérations, qui se poursuivent avec une cadence accélérée dans certaines wilayas (Constantine, Mostaganem, Sétif et Sidi Bel-Abbès) avec établissement de PV contre les pharmaciens visités, font réagir violemment les acteurs impliqués dans le circuit de production, de distribution et de commercialisation des médicaments génériques. "Ce sont là des mesures de répression contre la production nationale et qui sont en totale contradiction avec la politique d'encouragement de l'utilisation du médicament générique", s'insurge M. Menaâ. "Il s'agit de ristournes que certains fabricants de produits pharmaceutiques se sentent, dans la pratique, obligés de concéder, pour pouvoir mettre sur le marché certains produits génériques qui, autrement, ne pourraient pas trouver preneur sur le marché", explique M. Benberou, vice-président de l'Association des distributeurs pharmaceutiques algériens (Adpha). À vrai dire, la pratique en elle-même est interdite par la législation en vigueur, si la remise est supérieure à 10% de la valeur globale de la facture. Il n'en demeure pas moins que le principe des marges arrières n'est pas appliqué uniquement en l'Algérie. Il est d'usage courant dans les pays qui favorisent la vente du générique pour réduire la facture du médicament et surtout alléger le volume de remboursements des caisses de Sécurité sociale. Dans notre pays aussi, les autorités publiques ont adopté, depuis plusieurs années déjà, la politique de promotion de la production locale des produits pharmaceutiques, jusqu'à réduire, à moyen terme, la proportion des importations à 30% (elle est actuellement d'environ 60%). Pour l'heure, l'industrie pharmaceutique nationale est orientée essentiellement sur la fabrication des génériques, dont le gouvernement promeut le large usage. D'ailleurs, en 2011, la Direction de la Sécurité sociale au ministère du Travail a mis en œuvre un plan y afférent qui accorde aux pharmaciens, par le truchement du système du tiers payant, un versement de 15 DA par ligne au titre de la dispensation du médicament générique ; d'une majoration de 10% du montant de l'ordonnance si les marques sont vendues au tarif de référence et de 20% pour les produits locaux. La réglementation comporte, néanmoins, de grandes lacunes en matière de remises financières données par les opérateurs pharmaceutiques, pour les mêmes objectifs. M. Kerrar, président de l'Unop (Union nationale des opérateurs pharmaceutiques) a indiqué qu'une délégation de son organisation s'est entretenue avec le DCP au ministère du Commerce pour l'édifier sur la situation et surtout sur les risques induits par les enquêtes en cours sur la production nationale du médicament. Il semblerait que le DCP se soit montré sensible aux arguments développés par ses interlocuteurs. Il a estimé, néanmoins, incontournable d'encadrer ces remises par des lois et des textes règlementaires pour sortir de la pratique de l'illégalité. Il revient, en effet, au ministère de la Santé, qui exerce sa tutelle en amont et en aval du circuit du médicament produit localement, de proposer ces projets de texte. Autrement, les pharmaciens d'officine menacent de ne plus commercialiser les génériques fabriqués in situ. "Il y a un lobby très fort des importateurs. Les pharmaciens sont dans l'embarras. Nous avons envoyé des courriers au Premier ministre, au ministre de la Santé et au ministre du Commerce pour les inciter à mettre en œuvre des mesures incitatives au profit des pharmaciens. Sinon, on sera dans l'obligation d'arrêter la commercialisation des produits pharmaceutiques nationaux", avertit le porte-parole du Snapo. Ce syndicat des pharmaciens d'officine devra rencontrer, le 9 mars prochain, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, pour recevoir une réponse à ses doléances. Affaire à suivre. S. H.