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«Il n'existe aucune statistique sur la consommation et les médicaments périmés» Docteur Kerrar Abdelouahed. Secrétaire général de l'Association des distributeurs pharmaceutiques algériens
Dans cet entretien, le Dr Kerrar évoque les problèmes multiformes du marché du médicament en Algérie. Il estime que sa régulation est l'affaire de tous. Pour lui, le temps est venu de passer à une étape qualitative nouvelle en termes d'organisation, de dialogue et de performance économique. C'est la mission que s'assigne aujourd'hui l'Association des distributeurs pharmaceutiques algériens (ADPHA). -L'ADPHA vient d'être agréée officiellement. Quelles sont les priorités de son action? Je voudrais commencer par remercier le ministre de la Santé, qui a bien voulu nous recevoir, à notre demande. Nous avons abordé avec lui un certain nombre de questions ayant trait, notamment, à la nécessité d'une mise à niveau de la réglementation qui encadre l'activité de distribution des produits pharmaceutiques. Sur ces questions, le ministre nous a assuré que l'ADPHA sera considérée comme un interlocuteur privilégié. Nous comptons donc saisir cette opportunité pour mettre sur la table de la concertation l'ensemble de nos préoccupations et faire des propositions constructives. A ce stade, je voudrais souligner particulièrement toute l'importance du débat en cours sur le cahier des charges régissant la distribution pharmaceutique, sur lequel aucune concession ne doit être faite aux dépens de la qualité. Un temps suffisant sera en revanche nécessaire pour appréhender tous les problèmes posés et pour trouver les solutions les plus appropriées et les plus durables. D'une manière générale, nous comptons nous investir dans l'accompagnement de la nécessaire mise à niveau de notre activité, de sorte à tirer vers le haut ses performances et son efficacité. Nous allons aussi travailler en collaboration avec l'administration sanitaire, qui souhaite renforcer son action de contrôle par un corps de pharmaciens inspecteurs. Nous allons également formuler des propositions concrètes quant à la question sensible des marges commerciales qui rémunèrent notre activité. La mise à niveau de l'activité de distribution commande également des efforts sérieux de formation et de perfectionnement de ressources humaines de qualité. C'est une direction de travail essentielle au regard des missions de notre association. Nous comptons, bien entendu, nous engager dans un dialogue sérieux et constructif avec le Syndicat des pharmaciens d'officine, le Snapo et les associations de producteurs, telles que l'Unop, qui partagent avec nous le même souci de l'intérêt général et celui des patients, en tout premier lieu. -Pourquoi avoir tant tardé à créer cette association et pourquoi aujourd'hui, d'autant plus que les distributeurs ont souvent été mis en cause dans les ruptures de stocks ? Félicitons-nous déjà que l'ADPHA ait enfin vu le jour ! La distribution est un segment majeur du dispositif pharmaceutique national. Les distributeurs sont une pièce maîtresse de ce dispositif, dans la mesure où ce sont eux qui assurent la jonction entre les producteurs et les importateurs en amont et les officines en aval. Il était donc temps qu'une association, qui vise à organiser et structurer le secteur, soit créée. Les distributeurs ont beaucoup souffert jusque-là de leur déficit collectif d'organisation. Ils ont dû accompagner les profondes mutations qu'a connues le secteur dans un environnement difficile avec une double obligation, à savoir respecter les engagements vis-à-vis des fournisseurs et assurer un service de qualité aux clients pharmaciens, le tout en se conformant aux contraintes économiques et au cadre réglementaire. L'ADPHA se veut un partenaire loyal et responsable dans l'utile concertation entre tous les acteurs concernés du secteur pour garantir la continuité du circuit d'approvisionnement au bénéfice du système de soins et des usagers finaux, qui sont les malades. Etre un maillon de la chaîne de disponibilité du médicament pour le patient algérien est une mission noble qui ne peut souffrir d'aucune approximation. Le temps est venu de passer à une étape qualitative nouvelle en termes d'organisation, de dialogue et de performance économique. C'est la mission que s'assigne aujourd'hui l'ADPHA. -Le phénomène récurrent des pénuries et ruptures d'approvisionnement en médicaments persiste et, à ce titre, les distributeurs sont montrés du doigt. Qu'en pensez-vous ? Dans un contexte où le prix final est fixé par les autorités publiques, pourquoi voudrait-on qu'un distributeur fasse de la rétention de stocks ? Chacun sait que l'intérêt premier de chaque distributeur est d'écouler ses produits aussi rapidement qu'il le peut et d'éviter d'avoir à subir des surcoûts de stockage, des risques liés à la péremption ou tout simplement d'immobilisation de ressources de sa trésorerie. La concurrence très poussée, qui existe dans ce segment de la distribution, interdit du reste des pratiques de ce genre. La difficulté réside plutôt dans l'accès aux produits disponibles. Malgré tout cela, c'est le distributeur qui est souvent accusé, tout simplement parce qu'il est au centre du circuit et que sa fonction en fait simplement le révélateur initial de toute rupture. C'est un peu comme si, face à une fièvre, on s'en prenait au thermomètre. En revanche, il ne faut pas se voiler la face et dénoncer également un manque de respect de l'éthique de certains opérateurs, qui, même s'ils n'ont pas été à l'origine des ruptures, ont tenté d'en profiter. Aussi, face à ce type de problèmes, une des tâches de l'ADPHA sera certainement de contribuer à mieux dialoguer avec tous les partenaires, à mieux cerner les responsabilités des uns et des autres et à aider les pouvoirs publics à mettre en œuvre les solutions appropriées, dans l'intérêt supérieur des patients. Nous savons tous que ces pénuries sont, d'abord, le résultat d'une réglementation insuffisamment adaptée face à la nouvelle configuration du secteur pharmaceutique. En dehors des produits actuellement fabriqués en Algérie, qui représentent 38% de notre consommation, 62% des besoins du pays sont assurés par l'importation. Il faut ainsi savoir que notre réglementation permet à tout laboratoire étranger de mettre ses produits sur notre marché, en s'appuyant sur les réseaux d'une multitude d'importateurs locaux, sans avoir lui-même à mettre en jeu, ainsi que cela se passe partout dans le monde, sa propre «responsabilité pharmaceutique». -La réglementation algérienne prévoit-elle l'obligation de cette responsabilité pharmaceutique ? Ce concept de responsabilité pharmaceutique n'est pas intégré dans la réglementation nationale actuelle. Ainsi, les produits d'un même laboratoire étranger peuvent être distribués par 3, 4, voire 6 importateurs nationaux. Ce laboratoire a la garantie de voir ses intérêts commerciaux fortement protégés. En revanche, la garantie de la disponibilité en quantité et en qualité de ces produits n'a pas de traduction concrète sur le terrain et se retrouve diluée entre les différents opérateurs locaux. Par ailleurs l'Unop a déjà proposé que chaque laboratoire ayant des parts de marché en Algérie, devait s'installer effectivement dans le pays afin qu'il puisse être rendu concrètement responsable de la qualité, de la disponibilité, du rappel de la pharmacovigilance des produits, dont il détient la décision d'enregistrement. Dans le cas où il ne peut pas ou ne veut pas le faire, il doit confier la responsabilité pharmaceutique de ses produits à un producteur local qualifié. La responsabilité pharmaceutique, à l'instar de beaucoup de pays, délimite les responsabilités de chacun et met à nu toutes les insuffisances qui doivent alors être sanctionnées. C'est le premier pas, à nos yeux, qui doit être franchi pour pouvoir donner aux autorités sanitaires le levier efficace qui leur permettra de veiller à un approvisionnement continu, en quantité et qualité, du marché national. -La facture d'importation, depuis de nombreuses années, est décriée au vu de son évolution ; elle atteint actuellement les 2,5 milliards de dollars. Quelle est, d'après vous, la part de la consommation et celle des produits périmés ? Vous avez parfaitement raison de soulever cette question. Nous sommes tous focalisés sur l'enveloppe d'approvisionnement, mais aucune statistique n'est publiée. Ces statistiques sont pourtant disponibles au niveau de la Direction de la pharmacie. D'ailleurs le ministre a donné des instructions fermes pour les publier régulièrement. Il serait aussi intéressant de mieux appréhender le problèmes des produits périmés au niveau de toute la chaîne, autant chez les producteurs que chez les distributeurs et les pharmaciens d'officine. C'est cet exercice qui nous permettra de connaître puis de maîtriser notre consommation. -Pensez-vous que l'objectif des pouvoirs publics de couvrir 70% de nos besoins, pour la production en 2014, soit possible et réaliste ? Nous sommes des Algériens avant tout et nous ne pouvons donc qu'être solidaires de ce projet qui vise à limiter notre dépendance dans un secteur aussi stratégique. Ce projet doit bénéficier d'un plan d'action établi sur plusieurs années, de moyens humains et matériels à la mesure de cette ambition. Ce projet doit s'appuyer sur une administration forte qui puisse fédérer et faire adhérer tous les acteurs et qui puisse surtout instaurer un climat de confiance qui est un préalable indispensable à tout projet de cette envergure. L'ADPHA veillera à une mobilisation totale du circuit de distribution dans ce sens. Je dois souligner, à ce titre, l'apport précieux des distributeurs nationaux qui arrivent, malgré les insuffisances de la politique de marge commerciale appliquée actuellement, à rendre disponible le médicament au même prix sur l'ensemble du territoire national. Ce sont les distributeurs nationaux qui assurent, dans les faits, la garantie d'une péréquation des coûts commerciaux sur un territoire aussi gigantesque que l'Algérie. Ce sont eux qui assument les coûts de la sécurité de l'indispensable chaîne du froid dans un pays soumis aux rigueurs d'un climat très chaud, près de huit mois sur douze. Mais, comme chacun le sait, il faut prendre garde, sur le moyen et le long termes, à rémunérer correctement les coûts sur l'ensemble de la chaîne, de la production à l'officine, en passant par le distributeur. Le prix du médicament fabriqué localement devrait faire l'objet d'une réflexion profonde qui permettra, au niveau des autorités publiques, de concilier entre, d'une part, l'objectif de contenir le prix des médicaments et d'autre part, la rémunération correcte des producteurs et des distributeurs. Bien sûr, il est tout à fait légitime pour les pouvoirs publics de chercher à rendre disponible le médicament à des prix aussi bas que possible. Néanmoins, sans une politique adaptée qui prenne également en compte la valorisation sur le marché national des efforts exigés de chacun des acteurs de la chaîne, ce projet restera un vœu pieux. Nous souhaitons, pour notre part, pouvoir participer activement à la définition et à la mise en œuvre d'une telle politique. De même que nous souhaitons participer à la création d'un climat de confiance et de concertation entre tous les acteurs de la filière, ce qui est la condition de base pour le développement d'un secteur pharmaceutique de qualité.