Le professeur Haddab propose des pistes de réflexion dans son livre, paru en septembre dernier aux éditions Arak. Des orientations utiles aux gestionnaires du système scolaire. Pour ceux qui font du système scolaire le bouc émissaire, le chercheur suggère dans cette étude de mettre au jour les raisons du mode de fonctionnement des "instruments didactiques". Depuis quelques années, voire des décennies, la focalisation de l'opinion publique sur l'échec scolaire, la déperdition scolaire, le système éducatif, le niveau de l'enseignement... tient une bonne partie du discours. Qu'en est-il en fait du point de vue des experts et spécialistes de la pédagogie, de la psychologie sociale et de la sociologie ? Le professeur Haddab propose des pistes de réflexion dans son livre, paru en septembre 2014 aux éditions Arak. Des orientations utiles aux gestionnaires du système scolaire. Pour ceux qui font du système scolaire le bouc émissaire, le chercheur suggère dans cette étude de mettre au jour les raisons du mode de fonctionnement des "instruments didactiques". Un recueil d'articles parus dans des revues nationales ou internationales pouvant servir de référence. On y trouve les paradigmes d'un mode d'enseignement post-indépendance : à l'origine (1962) les moniteurs étaient au nombre de 10 988 dont 50,2% étaient des enseignants de l'école primaire. "À l'intérieur du corps des moniteurs, la part des moniteurs francisants n'a cessé de décroître depuis 1962, la part des moniteurs arabisants a augmenté continument, en particulier à mesure que progressait l'arabisation du cycle primaire, passant de 15% en 1962 à 66% en 1967-1968". L'auteur tente d'expliquer "le dualisme linguistique" entre francophone-moderne-citadin et arabophone-traditionnel-rural. Ainsi le métier d'enseigner consistait à transmettre des valeurs où la morale et la religion tenaient une part importante, fonds social des enseignants. L'école rurale se modernise et les chiffres qui confirment la pratique scolaire et l'émancipation sont relevés, mais sans pour autant outrepasser l'environnement socioculturel. En outre, il est vrai que les caractéristiques de l'école fondamentale étaient favorables à un "modernisme technologique" mettant en valeur la connaissance scientifique (1972-1974). Cependant, cette technicité n'aura pas trop d'influence en raison des difficultés que rencontrent les enseignants. Ainsi, l'espoir de trouver une certaine équité entre l'évolution quantitative et qualitative de l'enseignement eu égard au besoin économique n'est pas encore évident. Il est devenu beaucoup plus difficile à l'arabisation de dominer l'enseignement technique et professionnel, contrairement à l'enseignement général. En analysant la politique de l'arabisation du système scolaire, M. Haddab démonte les mécanismes qui entrèrent dans l'accomplissement du projet. "On ne peut ainsi complètement rendre compte de la complexité des mécanismes liés au processus de l'arabisation, par la seule action des directions politiques des Etats, de même qu'on ne peut les appréhender seulement comme la somme des stratégies individuelles, les unes s'efforçant d'accroître la valeur d'un capital linguistique déjà possédé, les autres tentant d'effectuer, sans perte excessive, le passage obligé d'une longue à l'autre ou d'un registre linguistique à l'autre." La langue arabe étant limitée dans les disciplines scientifiques et techniques, le français prend toujours la première place, et ce, malgré le volume horaire augmenté. Le recueil d'articles requiert justement ce qu'un travail réflexif doit retenir pour bien comprendre l'essentiel des études sur le système éducatif et son évolution. L'école a subi les affres du bouleversement social et les crises multidimensionnelles. Elle a été malmenée. La vision de l'école traditionnelle connaît les enjeux de la science et de la technologie du fondamental que l'Algérien croit désormais acquis pour une réussite sociale et une stabilité économique. Pour le conseiller de l'Institut national d'études stratégiques globales (Inesg), l'école algérienne, de par son histoire, a abrité "une hiérarchisation culturelle". Sur le plan social, l'école est aussi un lieu d'inégalité. "La pénétration de la culture scolaire au sein des classes populaires urbaines ou rurales prend ainsi souvent la signification d'une disqualification des cultures dominées et tend à instaurer les conditions sociales de la légitimation de la domination de catégories sociales déterminées." Autre constante relevée par l'auteur, la formation complémentaire qui fait défaut à tous les niveaux. Pas d'infrastructures dans ce sens mais aussi pas de demande à la base. Il faut dire que parallèlement, le "développement du savoir religieux" a connu un essor considérable en Algérie grâce aux ouvrages importés du Moyen-Orient. Plus loin, l'auteur s'attelle à donner des exemples concrets de hauts cadres qui reviennent des grandes universités ou des écoles de renommée internationale, mais, ironie du sort, ils retombent sous les ordres d'un pouvoir politique qui ne s'inquiète nullement du développement économique du pays. Ce sont des fractions de la classe dominante "qui tendent à se reproduire et surtout à reproduire leur domination". Beaucoup d'enseignement sur des faits, des méthodes, des systèmes que d'aucuns croyaient évidents alors que le spécialiste analyse et découvre des aléas : "La détraditionnalisation" du système éducatif national n'a pas fait son chemin. La société investit l'école et pérennise les tabous. "À l'université de Tizi Ouzou, il y avait en 1987, 70% de garçons en technologie et 75% de filles en lettres arabes." Le recueil enseigne une nouvelle façon de travailler. Une vision pédagogique mais aussi un gros défi pour un travail intellectuel basé sur une riche documentation. Un travail d'investigation à la fois sur l'éducation et les études universitaires à travers l'histoire de l'Algérie indépendante, de 1962 jusqu'à une période récente (2012). Une référence surtout pour comprendre cette évolution du système d'enseignement, du point de vue anthropologique et sociologique. L. B. Dimensions du champ éducatif algérien, Analyses et évaluations, de Mustapha Haddab. Essai, 262 pages. éditions Arak, collection Savoirs, Alger, septembre 2014. 650 DA.