Les jeunes du village rencontrés hier étaient encore sous le coup de la colère. Pour eux, la violence de l'intervention des brigades antiémeutes a dépassé la mesure. Ils accusent les forces de sécurité de dépassements et dénoncent des arrestations “arbitraires”. Hier matin, les habitants de la commune d'El-Kerma, située à une quinzaine de kilomètres d'Oran, se sont réveillés en étant encore sous le choc des violences et de la répression qui se sont abattues sur leur village durant les véritables émeutes qui ont duré toute la journée et une partie de la soirée de ce dimanche, suite à la contestation de la liste des 80 bénéficiaires de logements sociaux. Liste rendue publique, mercredi dernier. à l'entrée de la commune, les forces anti-émeutes occupent toujours un pont permettant l'accès au centre-ville. Le siège de l'APC, qui la veille avait été encerclé par des dizaines de jeunes interdisant quiconque d'y pénétrer, était également sous haute surveillance avec là encore, la présence des forces antiémeutes et des gardes communaux. La place qui marque le centre de cette commune de 16 000 habitants, a, semble-t-il, était au cœur des affrontements. Plusieurs ruelles gardaient encore, hier, les traces de pneus incendiés, des façades également marquées par des tirs de bombes lacrymogènes. Près du café Baghdad, nous rencontrons plusieurs citoyens, parmi eux, notamment des jeunes dont le visage est sombre et les traits tirés. Ces derniers sont extrêmement tendus, et la colère qui les habite nous la ressentons être à fleur de peau. Apprenant que nous sommes des journalistes, très rapidement leur nombre s'accroît autour de nous ; à l'unanimité, ils veulent s'expliquer, raconter cette journée d'émeutes vécue pour la première fois dans leur commune et surtout dénoncer la violence de l'intervention des forces anti-émeutes : “c'est eux (les forces de sécurité ndlr) qui ont tout fait dégénérer… Ils se sont mis a tirer des bombes lacrymogènes de partout, certaines ont même atterri dans des maisons…Ils tapaient et insultaient même les femmes qui s'étaient retranchées dans leur maison... Ils ont arrêté des jeunes sans distinction, même ceux qui sortaient de l'école...”, nous raconte l'un d'entre eux et de poursuivre : “il y a eu de nombreux blessés. Beaucoup de monde a été arrêté également, et ils n'ont pas hésité à les poursuivre dans des cafés et même des maisons pour les appréhender...” certains, sans que l'on puisse le confirmer cependant, diront que des arrestations se sont produites dans la nuit bien après les violences. Au niveau du groupement de la gendarmerie où nous nous sommes rendus pour connaître le nombre d'arrestations et confirmer ou non ces témoignages, personne n'accepta de nous recevoir en l'absence du commandant. Pourtant, à El- Kerma, on nous parlera d'une trentaine d'arrestations, d'ailleurs, au niveau du siège de l'APC où se trouvait barricadé à l'intérieur, le maire, des parents venaient solliciter des interventions pour la libération de leurs enfants. D'autres témoins de cette violence interviennent pour expliquer les raisons qui ont poussé des centaines de jeunes à sortir dans la rue et à dresser des barricades : “C'est normal, plus de la moitié des noms de cette liste ne sont pas des gens d'El- Kerma... C'est le ras-le-bol... Ici, il n' y a que le chômage et la misère, c'est trop ! on en a marre, c'est pour cela que nous voulons plus de gens de cette APC ! Nous exigeons que la liste soit annulée et que des enquêtes soient ouvertes...” Durant les émeutes, et hier encore, circulait la rumeur du décès d'un jeune de 17 ans suite aux émanations des gaz lacrymogènes. Une information qui nous sera démentie par des personnes lors de la veillée funèbre. ce décès n'a pas de relation avec les émeutes, nous dira-t-on. Mais cela en dit long sur le climat qui règne à El-Kerma puisque cette “nouvelle” a été très rapidement relayée dans la commune et jusqu'à Oran durant toute la journée d'hier. Le calme apparent, qui règne à El-Kerma, maintient encore en alerte les forces de sécurité alors que les jeunes de cette commune attendent la libération de leurs camarades et attendent de pied ferme une réponse à leurs revendications. F. B.