Le colloque organisé, hier, au musée du Chahid de Tizi Ouzou, dans le cadre de la semaine de la mémoire dédiée au héros de la Révolution, a suscité un vif débat. La tension était devenue particulièrement plus vive lorsque Nordine Aït Hamouda, le fils du colonel Amirouche, a pris la parole pour faire remarquer que "lorsque, à Tlemcen, un séminaire a été organisé sur Messali, la moitié du gouvernement y a pris part", mais lorsqu'il s'agit d'Amirouche, aucun responsable officiel n'était présent. Pis encore : lorsque l'ex-député du RCD prend la parole, quelques vieilles femmes ont tenté la perturbation, mais en vain. "C'est une manière pour le pouvoir de fouler aux pieds Amirouche. Un autre exemple que le pouvoir est contre les gens qui ont combattu pour l'Algérie", poursuit Nordine Aït Hamouda, non sans exprimer sa colère d'avoir entendu parler d'Amirouche comme si "on ne l'a pas livré à la France et comme si on n'a pas séquestré ses restes", dit-il, non sans accuser Boussouf de sa mort. "Amirouche, c'est Boussouf qui l'a donné, et nous avons apporté les preuves." Aïssani, le responsable des transmissions du Malg, a, un mois avant sa mort, animé une conférence où il a déclaré que "oui, c'est nous qui avons vendu Amirouche", assène Aït Hamouda, en soulignant que ceci fait partie des vérités dérangeantes apportées par Saïd Sadi dans la 4e édition de son livre. L'orateur s'en prend, dans le même sillage, à Boumediene qui a envoyé, en septembre 1962, le général Mehdi Cherif et le colonel Si Cherif pour déterrer les corps d'Amirouche et de Si El-Haoues pour les enterrer à El-Alia, puis les déterrer en 1965 pour les enterrer une seconde fois à la caserne Ali-Khodja. "Que pensez-vous du fait que Boumediene déterre deux héros pour les emprisonner ?", interrogera Aït Hamouda en s'adressant à l'historien Daho Djerbal qui participait au colloque. Répondant au ministre des Moudjahidine qui a récemment déclaré que c'est aux historiens d'écrire l'histoire, le fils du colonel Amirouche répondra en s'attaquant, cette fois, à l'historien Mohamed Harbi. "On nous interdit de lire et d'écrire l'histoire pour laisser faire certains intellectuels avec leur haine envers la wilaya III, et je cite Harbi, qui est allé jusqu'à dire qu'au congrès de la Soummam, le sanguinaire Amirouche a fait pression sur Zighoud Youcef pour garder Sétif à la wilaya III, alors qu'au congrès de la Soummam, Amirouche n'était encore rien. Mais Harbi oublie de nous dire qu'il est le neveu d'Ali Kafi et qu'il est trotskiste, cette tendance qui a soutenu le MNA de Messali", dira-t-il avant d'aborder le sujet de Messali qui est toujours au centre d'une incessante polémique. "Quand des historiens mettent les messalistes au même titre que les combattants de l'ALN et qu'on décide d'ériger Messali au rang de héros national, c'est que ceux qui ont combattu le MNA et les messalistes deviennent des traîtres", a-t-il ajouté, avant de rappeler que pourtant, en 1962, le MNA a négocié avec l'OAS, mais que cela, nos intellectuels refusent de le voir parce qu'ils font dans l'histoire sélective. Pour éviter toute falsification de l'histoire, Nordine Aït Hamouda invite tous les maquisards encore vivants à apporter leurs témoignages. "Sinon, on risque, dit-il, d'entendre un jour dire que même l'opération Jumelles s'est déroulée au Mali." Il rappelle, à ce titre, comment tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis 1962 ont été poussés par leur haine jusqu'à remplacer le nom du colonel Amirouche par le colonel Abbas dans le film L'Opium et le bâton. Réagissant à la question sur Messali, l'historien Daho Djerbal a d'emblée appelé à ne pas mélanger la politique avec l'histoire. "C'est une position de principe, de morale et de méthode", dira-t-il, tout en faisant un parallèle avec les réactions des islamistes qui considèrent tout ceux qui ne sont pas avec eux comme des athées. "L'histoire n'est pas un tribunal, et même dans un tribunal, il doit y avoir la défense, et quand la défense est absente, on n'a pas le droit de lancer des accusations", a argumenté Djerbal qui remonte à Novembre 1954 à Alger où, a-t-il soutenu, le groupe du FLN a été immédiatement arrêté et n'a pas pu mener des opérations à caractère militaire sur le territoire de la capitale et que les seuls groupes qui ont mené des opérations de fidaï, c'étaient les groupes fidèles à Messali. "Beaucoup d'entre eux ont été arrêtés, jugés, condamnés à mort et exécutés à Serkadji, mais on a attendu jusqu'à 1984 pour inscrire leurs noms sur le mur de Serkadji parmi les guillotinés du FLN. Ces gens qui ont été guillotinés ne l'ont pas été pour la France, mais pour la libération de l'Algérie", a-t-il répondu, citant également que dans les archives de la Fédération de France du FLN figure une liste complète des détenus politiques du MNA dans les prisons françaises, et ces détenus, a-t-il noté, étaient dans les prisons françaises non pas parce qu'ils étaient pour la France, mais parce qu'ils étaient pour l'Algérie indépendante. "Donc, quand on fait un travail d'histoire, on regarde tous les aspects du problème, et non pas un seul aspect, et ne pas porter un jugement précipité", a-t-il préconisé tout en suggérant de ne pas se focaliser sur une personnalité ou une région parce que si la Révolution a réussi, c'est qu'elle l'a été à l'échelle nationale et non pas d'une seule région. Avant le début de cette polémique, Slimane Laïchour, un ancien compagnon et chargé de liaison d'Amirouche, a surtout rappelé qu'Amirouche "incarnait surtout la légitimité de l'intérieur", et concernant l'affaire de la bleuite, "la vérité a été si obscurcie" et "c'est abominable venant de nos compatriotes". S. L.