Les propositions d'amendements contenues dans le document, loin de marquer une rupture dans les grands équilibres, tel que promis par le président Bouteflika dans son discours du 15 avril 2011, ne semblent être qu'une énième opération cosmétique. La "révolution" institutionnelle n'est pas au menu de la révision constitutionnelle, promise profonde en 2008 déjà, mais qui tarde toujours à voir le jour. Rien de ce que la supputation médiatique a présenté comme amendements probables n'est reproduit dans le document. Le rapport de synthèse intitulé "Propositions pour l'amendement de la Constitution", transmis aux présidents du Conseil constitutionnel, du Sénat et de l'APN et que nous avons pu consulter, prélude d'une révision constitutionnelle superficielle, pour ne pas dire au rabais. Il propose en tout cas un retour à la situation ayant prévalu avant l'amendement de novembre 2008. Les équilibres du pouvoir ainsi que la configuration institutionnelle sont maintenus tels quels, notamment à travers l'article 77 qui institue le régime présidentiel. Contrairement à ce que la chronique médiatique a longuement rapporté, le texte ne propose pas l'institution du poste de vice-président de la République, ni ne consigne la trituration de l'article 88 relatif à l'empêchement dont l'opposition a revendiqué l'application, suite à la maladie du président Bouteflika. L'effort de synthèse des propositions émises à l'occasion des consultations du 5 juin au 8 juillet 2014 a retenu le retour à la limite de deux mandats présidentiels consécutifs. Il consigne aussi la possibilité constitutionnelle pour un groupe de 70 députés ou de 40 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel. Le document propose également, pour renforcer le rôle du Parlement, que les deux chambres du Parlement étudient des projets de loi relevant des initiatives des parlementaires. "Les deux chambres du Parlement doivent consacrer une séance par mois pour débattre de l'ordre du jour que proposera un groupe parlementaire de l'opposition", consigne l'article 99 bis1. La possibilité est accordée également au Sénat de proposer des projets de loi (art. 199). Le document renforce aussi la prérogative du Parlement à contrôler l'action du gouvernement. L'article 99 prévoit d'y consacrer une séance par session en présence du Premier ministre. Par ailleurs, le document propose d'élargir la composante du Conseil constitutionnel à 12 membres, dont 4 désignés par le président de la République, au lieu des 9 actuels. Il est à noter aussi et surtout qu'il préconise d'introduire le concept de "réconciliation nationale" comme une constante nationale. On peut lire dans le préambule du texte de la Constitution ce qui suit : "Le peuple algérien fait siens les principes de la politique de paix et de réconciliation nationale. Il demeure convaincu que le respect de ces principes contribue à la défense des valeurs communes et constitue la voie consensuelle pour la protection des intérêts de la communauté nationale. Les valeurs de paix et réconciliation nationale font partie des constantes de la Nation qui doit tout entreprendre pour leur défense, dans le respect de la République et de l'Etat de droit." Comme il ne fait pas écho aux voix qui ont réclamé l'institution d'un régime parlementaire. Il évacue aussi la revendication de l'officialisation de la langue amazighe. Lettre de mission renouvelée pour Ouyahia La mission du directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, en tant que chargé des consultations avec la classe politique, les organisations et les personnalités nationales autour de la révision de la Constitution, ne s'est pas achevée avec la clôture, le 8 juillet 2014, du round de consultations entamé le 5 juin de la même année. Sa lettre de mission a été renouvelée avec la décision du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, annoncée lors de l'ultime Conseil des ministres de l'année 2014, de maintenir les consultations ouvertes pour les retardataires, comprendre l'opposition qui avait refusé de prendre part aux consultations de juin et juillet derniers. "De larges consultations ont été menées dans ce but (révision de la Constitution) voilà deux années. Elles ont été approfondies récemment, avec pour seules limites les constantes du peuple et de la République", affirmait Bouteflika devant le Conseil des ministres le 30 décembre 2014, ajoutant que "bien évidemment, la porte demeure ouverte devant ceux qui ne se sont pas encore associés à cette consultation qui reflète l'esprit même de la démocratie et qui est menée dans le respect des différences". De source bien informée, nous avons appris, en effet, qu'Ahmed Ouyahia s'est, depuis, régulièrement réuni avec les présidents des trois institutions que sont le Sénat, l'Assemblée populaire nationale (APN) et le Conseil constitutionnel, soit respectivement avec Abdelkader Bensalah, Mohamed-Larbi Ould Khelifa et Mourad Medelci. Ces consultations entre, donc, quatre "institutionnels", se dérouleront à la présidence de la République. Elles traiteront du document de synthèse des propositions recueillies lors du round de l'été passé. Un document que la présidence de la République avait transmis aux présidents du Sénat, de l'APN et du Conseil constitutionnel, a confirmé notre source, laquelle a tenu à préciser qu'il ne s'agissait pas d'une mouture définitive d'un avant-projet de loi portant révision de la Constitution. S. A. I.