Sept millions de personnes sont décédées en 2012 en raison de la pollution de l'air, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette étude actualisée tous les quatre ans montre une augmentation spectaculaire par rapport au dernier rapport de l'organisation onusienne publié en 2008. Les rédacteurs du document qui révèlent avoir modifié quelque peu les paramètres d'évaluation dont celui de la prise en compte des zones rurales estiment que cette forte poussée ne peut être expliquée par cette seule correction. En effet la précédente étude de l'OMS avait dénombré 3,2 millions de morts, victimes de la pollution de l'air en zone urbaine. Les maladies les plus fréquentes sont les atteintes pulmonaires et cardiovasculaires ainsi que les cancers. Un phonème d'abord local Contrairement aux gaz à effet de serre (le dioxyde de carbone -CO2 – ou le méthane – CH4- en particulier) dont la localisation de la source d'émission importe peu car l'influence est à l'échelle globale de l'atmosphère, la pollution de l'air, générée par la combustion de fuels, impacte plus fortement l'environnement immédiat des émissions des agents chimiques tels que le monoxyde de carbone, le souffre ou les oxydes d'azotes. Sous l'effet d'une conjoncture climatique particulière, de grandes villes comme Pékin ou Paris ont vécu récemment des épisodes de pollution intense due à des concentrations hors normes de microparticules. Dans la capitale française, les autorités ont recouru à une circulation alternée des automobiles pendant plusieurs jours. Mais ce n'est pas une solution durable même si, à l'instar de nombre de villes européennes, les concentrations de particules baissent depuis plusieurs années sous l'effet de normes de mise en circulation le plus restrictives. Dans ses pays la norme Euro5 obligatoire pour les véhicules neufs depuis 2010 (01 janvier 2011 pour la France) est déjà dépassée. Elle sera remplacée par la norme Euro6 plus contraignante dès septembre 2015. Les émissions d'oxyde d'azote (NOx) seront plafonnées à 80 mg/km (plus de 50 % de moins que la norme Euro 5), les autres émissions combinées seront réduites à 170 mg/km (contre 230 avec la norme Euro 5). Qu'en est-il en Algérie ? L'explosion du parc automobile dans le pays devait inquiéter les pouvoirs publics. La capitale Alger, saturée par le trafic est, en plus, ceinturée par des autoroutes encombrées à longueur de journée. Les villes de l'intérieur ne sont pas en reste malgré les évitements aménagés ça et là non loin des périphéries. Le professeur Rabah Kerbachi, enseignant à l'Ecole nationale polytechnique d'El-Harrach estimait en fin 2013 que 1,1 millions de véhicules circulaient à Alger (5 millions dans le pays). En attendant que des mesures soient prises, le citoyen est en droit d'attendre une information crédible et régulière sur la concentration des agents nocifs dans l'air aux lieu et place d'une simple indication sur les taux d'humidité. Il n'existe que quatre réseaux pour la surveillance de la qualité de l'air (Alger, Annaba, Oran et Skikda). Seuls Annaba et Alger fonctionnaient avant que la station de la capitale ne soit mise en "maintenance durable". Selon Dr Neira du département Santé et Environnement à l'OMS, les risques sont très sérieux pour les maladies cardiaques et les attaques cérébrales. Le classement 2014, des 1600 villes (91 pays) selon le degré la pollution atmosphérique place 6 villes de l'Inde dans les dix les plus polluées en compagnie de centres urbains pakistanais et iraniens. Les 50 villes où l'air est de meilleure qualité se situent en majorité au Canada et en Amérique du Nord. Alger est reléguée après la 900e place avec un air chargé de particules qui frôlent le triple de la norme de l'OMS. Les causes sont souvent à rechercher dans des politiques publiques non durables. À ce titre les secteurs du transport, de l'énergie, de la gestion des déchets et de l'industrie sont les plus pointés du doigt. Dr Carlos Dora, coordonnateur OMS pour la santé publique et les déterminants sociaux et environnementaux estime que dans bien des cas des stratégies plus propres seraient moins coûteuses à long terme. La baisse en dépenses de santé et les bénéfices pour le climat compenseraient largement le financement de mesures en faveur de l'environnement. Plusieurs études ont été financées, notamment par le ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire mais aussi par des institutions internationales (PNUE, UE...). Les recommandations consignées dans les conclusions sont, au mieux, mises en œuvre partiellement. A Alger, l'explosion du trafic routier dû, à la fois, à l'indigence du transport collectif urbain et à la concentration des administrations et de services sollicités par l'ensemble des régions du pays, rendent caduque tout autre mesure d'appoint. La frénésie pour l'automobile est largement soutenue par les pouvoirs publics. La quasi-majorité des véhicules immatriculés ne sont pas dotés de pots catalytiques lesquels, de nos jours, réduisent jusqu'à 95 % les rejets avec l'utilisation d'un carburant sans plomb.
D'autres sources de pollution persistent A l'instar de nombreux pays du Sud, deux autres sources de pollution empoisonnent l'air de nos villes, la localisation d'unités industrielles et la gestion des déchets ménagers. Pour ce dernier chapitre, la volonté des pouvoirs publics d'éradiquer les décharges non contrôlées se heurte à une urbanisation anarchique et à l'absence d'une stratégie intégrée de toute la filière (collecte, récupération, recyclage, transport, encadrement d'un marché de matières premières secondaires, taxes et pénalités, police de l'environnement....) malgré l'aménagement de centres d'enfouissement techniques. À titre indicatif, pour Alger-Est avant la fermeture de la décharge d'Oued Smar, en mesurant deux polluants à 10 km de ce site le Centre de Recherche sur les hydrocarbures (CERHYD) estimait que le taux de plomb dans l'atmosphère émanant de la décharge est 12 fois plus important que celui rejeté par le trafic routier alors que le monoxyde de carbone (CO) est dans un rapport de 280 fois ! L'élimination de l'exposition à l'air des déchets urbains est d'une importance capitale pour améliorer la qualité de l'air ; c'est un enjeu de santé publique majeur. Une offre publique de transport collectif attractif et moins polluant, un parc automobile aux normes et probablement des carburants moins bon marché sont les défis à relever, à côté d'une chaîne efficiente de gestion des ordures ménagères et la taxation des pollueurs- les industriels et les particuliers-. C'est en tout cas la démarche que préconisent les spécialistes dans le domaine. R. S.