Lorsque, le 28 avril 2014, les Algériens ont vu leur chef de l'Etat liquider la cérémonie de prestation de serment en 30 minutes top chrono, sans même lire jusqu'au bout son discours d'investiture, ils pouvaient déjà le deviner : le quatrième mandat de Bouteflika allait être celui du silence. Cela se vérifie amplement aujourd'hui. Tout au long des 12 derniers mois, on n'a quasiment pas entendu parler le Président. Hormis deux ou trois bribes de phrases, ânonnées au gré des virées de quelques rares hôtes étrangers que l'ENTV ne manquait pas de diffuser comme autant de "preuves de vie", les Algériens ont dû se "contenter" de scruter les messages lus occasionnellement en son nom pour se faire une idée des intentions de Bouteflika quant au traitement des grands dossiers de l'heure. En d'autres temps, et sous d'autres cieux, les sujets d'importance, à même d'induire une intervention directe du chef de l'Etat, n'auraient pas manqué : la situation explosive à nos frontières, la question sensible de l'exploitation du gaz de schiste, la dégringolade inquiétante du prix du baril de pétrole, le malaise social et les grèves à répétition et, encore plus, le dossier de la révision de la Constitution sont autant de préoccupations sur lesquelles le président de la République était naturellement attendu. Même le mémorable sit-in de centaines de policiers aux portes du palais d'El Mouradia ne lui a pas fait rompre son silence. Le pays a également vécu d'autres moments de vive émotion qui, à l'instar du crash du vol AH 5017 d'Air Algérie au nord du Mali, auraient dû amener le chef de l'Etat à s'adresser à la nation endeuillée et aux familles frappées dans leur chair autrement que par le biais d'un message de condoléances diffusé par l'APS. Durant cette première année du quatrième mandat, la parole du Président a raté d'autres rendez-vous, non moins importants : les attentats de Paris, en janvier dernier, qui avaient ébranlé toutes les capitales du monde, et l'attaque du musée du Bardo, à Tunis, le mois écoulé. Le silence quasi permanent du Président a ouvert la voie à d'autres... voix qui, plus ou moins officiellement, ont parlé en son nom. Des voix multiples qui, quelquefois, ont fait des déclarations contradictoires, tout en revendiquant, les unes comme les autres, leur appartenance au premier cercle présidentiel. Ce n'est pas la moindre des incongruités de ce quinquennat pas comme les autres. Mandat du silence, ces voix "intimes" en ont fait aussi celui des contradictions. Pour autant, les Algériens, qui observent médusés cette foire d'empoigne, ne sont dupes de rien. L'opinion sait que seuls de sérieux ennuis de santé peuvent empêcher le chef de l'Etat à faire preuve de présence et, à l'occasion, de communion avec son peuple. Mais, sur cette question précise, Bouteflika n'hésite pas à parler... comme il le peut et chaque fois qu'il le peut. "Je vais beaucoup mieux", a-t-il dit en octobre dernier, devant la caméra de l'ENTV, à Lakhdar Brahimi qui lui rendait "une visite de courtoisie". Des visites de ce genre, il y en a eu d'autres et toutes n'avaient vraisemblablement qu'un but : convaincre une opinion publique sceptique que le chef de l'Etat assume pleinement ses missions. On a les arguments qu'on peut. S. C.