Résumé : Samir se réveille avec une forte migraine. La chaleur l'incommodait. Il repense à sa femme qui lui avait semblé bien triste ces derniers temps. C'était peut-être le stress qui la rendait si mélancolique. Elle s'était surpassée dernièrement pour préparer ce petit voyage hâtif dans sa famille. Mordjana le rejoint et il lui demande si on était heureux de la revoir. Il s'empresse d'avaler le médicament, puis demande : -Alors comment cela se passe-t-il avec ta famille ? On est heureux de te revoir ? -Bien sûr... Maroua trouve que j'ai embelli et Safa te trouve très beau. Il sourit d'un air malicieux : -Tu vois comme j'ai encore du succès auprès des femmes. -Je n'en doute pas... Mais il se trouve que Safa n'est encore qu'une gamine qui vient d'avoir 14 ans aujourd'hui même. Elle passe la main sur sa nuque et s'étire avant de proposer : -Il est encore trop tôt pour le dîner. Je vais te préparer une tasse de thé et ensuite tu iras faire un tour avec Laïd pour découvrir la ville. -En pleine nuit ? -Il ne fait pas encore tout à fait nuit... Et même en pleine nuit, les rues sont animées... Les gens apprécient la fraîcheur nocturne et ne rentrent chez eux qu'à des heures tardives. Les magasins, les cafés et les places publiques demeurent animés de jour comme de nuit... -Dans ce cas, dépêche-toi de me servir ce thé... Cela ne me déplairait pas de sortir prendre un peu d'air. La soirée se déroule dans une atmosphère détendue. Djamel, le mari de Maroua, s'était joint à la famille pour le dîner, et Mordjana pousse un soupir de soulagement en constatant que ses autres frères, à l'instar de leur aîné Laïd, appréciaient Samir. Cependant, Saléha n'adressa pas la parole à son gendre. Pour elle, le mari de sa fille était un citadin qui s'amusait à les narguer avec ses belles manières et son savoir-vivre. Il était bien habillé, savait tenir une conversation, mangeait avec élégance, et ses mains étaient aussi belles que celles d'une femme. Murée dans son silence, elle suivait distraitement ce qui se passait autour d'elle. Mordjana la prend à l'écart et chuchote à son oreille : -Pourquoi me fais-tu cela maman ? C'est la première fois que Samir foule le sol de notre maison et de notre ville. Tu devrais au moins faire semblant d'être heureuse de le rencontrer. -Je lui ai déjà souhaité la bienvenue... Que veux-tu de plus ? -Non... Tu ne lui as même pas souhaité la bienvenue... C'est lui qui t'a saluée et... -C'est la moindre des choses pour un étranger... -Un étranger ? Ton gendre ? Le mari de ta fille... ? -Je ne le connais pas encore assez pour le considérer autrement. -Mais c'est ton beau-fils... Tout comme Djamel, le mari de Maroua. -Djamel est un cousin, ne l'oublies pas... Par contre, ton mari est un comparse gagné au poker. Mordjana demeure muette de stupeur. C'était sa propre mère qui lui parlait ainsi... Sa mère ! Celle pour qui elle avait auparavant sacrifié son avenir. Maroua remarque l'échange à voix basse entre les deux femmes et s'approche d'elles : -Que pouvez-vous donc vous raconter toutes les deux au moment où tout le monde rit et plaisante. Sa mère hausse les épaules. Alors elle jette un regard interrogateur à sa sœur, qui détourne la tête pour qu'elle ne remarque pas ses larmes. Mais Maroua avait déjà tout compris. Sa mère était devenue insensible et ingrate. L'âge et les aléas d'une longue vie sans bonheur l'avaient propulsée dans une onde d'indifférence envers tout son entourage. -N'écoutes pas maman, murmure-t-elle. Tu es la bienvenue dans ta famille Mordjana, et Samir en fait partie... Mordjana renifle : -Je ne pensais pas que maman allait changer à ce point... Lorsque je me suis mariée, elle n'était pas aussi distante avec moi. Maroua hoche la tête : -Figure-toi que c'est justement depuis ton mariage qu'elle avait commencé à changer. Nous l'avions tous remarqué... Même père ne reconnaissait plus rien en elle. Mordjana hausse les épaules : -C'est lui la cause de tout ce qui nous arrive... Au fait, où est-il ? Je n'ai pas encore demandé de ses nouvelles. Maroua fait la moue : -Bof... Tu le connais assez pour comprendre qu'il ne revient à la maison que lorsqu'il est à court d'argent... Il y a une dizaine de jours, il est parti pour négocier des marchandises à Ouargla. Depuis, nous ne l'avons plus revu. Il doit être dans les bars ou quelque part avec des SDF. Elle hausse les épaules et poursuit : -Il ne changera jamais... Tu le sais bien. Mordjana hoche la tête et se lève : -Je voulais juste savoir s'il allait bien... Je connais le reste... Nous avons tant souffert de sa conduite indigne... (À suivre) Y. H.