Le président de l'Uniprest (Union nationale des investisseurs et propriétaires de relais et stations-services), Hamid Aït Enceur, explique les raisons de la récente tension sur les carburants et cite les contraintes que subissent les propriétaires de stations-services. Liberté : Comment expliquez-vous la récente tension sur les carburants ? Hamid Aït Enceur : Si on répondait simplement à la question, la tension sur les carburants de ces derniers jours est due au fait que les stations étaient mal approvisionnées. S'il y a une tension, c'est que quelque part le produit a manqué ou bien il est arrivé en retard. Et s'il arrive en retard, souvent cela crée des tensions d'autant qu'il y a des problèmes de stockage. La distribution est liée au stockage. On ramène le produit de la raffinerie, on le met en stock et puis on le distribue. Il y a un temps pour cela. Cette année était exceptionnelle. On a eu un hiver rude. En janvier et février, c'était le mauvais temps. C'était BMS sur BMS. à cette période, il y avait une tension surtout sur le gasoil. Le gros du gasoil vient de Skikda et une partie est importée. Comme on le sait, entre Skikda et Alger, le transport se fait par bateau. Il se trouve que quand il y a du mauvais temps, les bateaux ne déchargent pas. Ils restent en rade. S'il y avait du stockage, il permettrait de pallier la défaillance. à l'Est, on n'a pas eu de tension, parce que là-bas on utilise le pipe. Le grand dépôt de Bounouar est alimenté par pipe. Il y a tout un investissement qui a été fait à l'Est. Le transport par pipe permet de gagner du temps. Il faut aussi savoir que dans les carburants il y a aussi le phénomène de saison. Il y a la saison agricole. Actuellement, la région de Aïn Defla est en manque de gasoil. Il y a une demande supplémentaire. Après c'est la saison estivale. Il y a des wilayas touristiques qui connaissent un grand flux de touristes engendrant une demande supplémentaire. Ce sont des régions où le réseau doit être alimenté régulièrement. Pensez-vous que cette tension risque de se reproduire ? Si on reste dans la même configuration, cette tension risque de se reproduire à tout moment. Il suffit juste d'une petite défaillance. Et c'est là où se pose avec acuité la question du stockage. Le réseau de stations existe. L'Uniprest c'est quasiment les deux tiers du réseau. Nous somme à presque 1600 stations-services. Mais il faut continuer à investir dans le stockage et dans le transport par pipe. Les nouvelles routes, l'autoroute des hauts plateaux, c'est demain. C'est le programme 2015/2019. Il ne faut pas faire comme on l'a fait avec l'autoroute Est-Ouest et attendre qu'on ait terminé pour penser aux stations-services. Quelles sont les contraintes que rencontrent les propriétaires de stations ? La station-service c'est le dernier maillon de la chaîne. Toute perturbation engendre forcément un manque à gagner à la station. D'autant qu'il y a un grand nombre de petites stations qui font au maximum 10 000 litres/jour. C'est juste si elles arrivent à subvenir à leurs besoins. Ce qui pose le problème de la marge, c'est-à-dire la rémunération. Il faut savoir que quand le prix d'un produit est administré, la marge est insignifiante. Depuis 2005, les marges n'ont pas bougé. C'est à peine 50 centimes de plus. Pourtant, les charges ont changé en touchant l'exploitation et en érodant les marges. On ne demande pas d'augmenter les marges, c'est plutôt un rattrapage des marges. Sinon les stations existantes ne vont plus investir. Et les futurs investisseurs seront découragés. Il est donc urgent de mettre en place les mécanismes de rentabilité. C'est la mission de l'ARH. Comment vous voyez les solutions ? Actuellement nous avons un fournisseur qui est Naftal. L'une des solutions, c'est que le privé s'implique dans la distribution. Peut-être que si on avait eu à Alger un distributeur privé on n'aurait pas eu cette tension. Certes, le secteur est théoriquement ouvert. Même le stockage est ouvert. Le privé peut donc se lancer dans la distribution. Pour cela, il faut avoir un dépôt et un réseau de stations-services. Si par exemple nous, propriétaires, nous décidons de nous lancer dans la distribution, la question du réseau de stations ne se pose pas. Nous disposons de notre réseau. Concernant les dépôts, on peut les avoir, il suffit juste d'avoir du foncier. Mais après il se posera le problème de la source. Concernant le Centre, la source sera soit Arzew, soit Skikda. Vu le trajet, ce n'est pas économiquement rentable. En somme, la loi existe mais il y a des contraintes qui font qu'il n'est pas facile pour le privé d'aller vers la distribution. Il y a un distributeur qui a démarré à Biskra. Mais ce distributeur dispose d'une source qui est proche, à savoir Hassi Messaoud. Au Centre, l'idéal serait la raffinerie de Sidi R'zine qui pourrait être une source pour le Centre, mais en la rénovant et en augmentant ses capacités, est-ce qu'elle peut être ouverte aux distributeurs ? Pour le moment, la solution la plus indiquée c'est d'envisager un pipe entre Skikda et Alger. Comme je l'ai déjà dit, le transport par pipe permet de gagner du temps. Enfin il y a bien sûr toutes les futures raffineries en projet qui vont faire baisser la tension. S. S.