Résumé : Mordjana emmène son mari en visite au saint de la région. Elle lui expliquera qu'on venait de loin quémander la baraka de ce marabout et que les vœux les plus secrets sont formulés et exaucés. Peut-être auront-ils eux aussi droit à une petite faveur de sa part ? Samir ne semblait pas porter sur ces croyances d'une autre époque. Alors qu'elle s'attendait à une réponse de sa part, Samir lui serre la main et se mure dans un silence qui n'augurait rien de bon. La journée se passera dans une ambiance conviviale. En son honneur, le grand-père de Mordjana égorge un bouc, et la grand-mère leur concocte un véritable festin. Samir goûte avec délices aux plats traditionnels, puis au thé à la menthe, aux gâteaux au miel et aux dattes qu'il trouve délicieux et jugea qu'il n'avait jamais mangé de mets aussi savoureux. Mordjana voulait oublier l'offense faite par sa mère à son mari, et effacer toute trace de leur récent passage chez elle. Pour calmer les esprits, sa grand-mère lui demande de penser plutôt à son avenir. Peut-être reviendra-t-elle chez eux l'année prochaine avec un bébé dans les bras. Alors ils pourront tous ensemble organiser une grande fête, où seront conviés les proches et les amis. Elle lui certifia en outre que sa visite au grand saint de la région, ne restera pas sans suite. C'était légitime d'ailleurs, puisqu'on venait de très loin, pour prêcher la baraka du marabout et repartir le cœur léger et plein d'espoir. Mordjana ne croyait pas tellement à ces mœurs d'une autre époque. Pour elle, seule la science est digne de confiance. Mais à Rome, on fait comme les Romains. Elle avait suivi les insinuations camouflées de sa grand-mère pour faire comme toutes les femmes en quête d'une grossesse... Elle comprenait maintenant le désarroi de celles qui voulaient un enfant à tout prix, quitte à y laisser leur vie. Tous les moyens étaient bons à tester. Des plus sensés aux plus ridicules... C'était ainsi... Il faut savoir narguer les aléas de l'existence et les affronter par tous les moyens. Au petit matin, alors qu'ils se levaient pour se rendre à l'aéroport, Samir lui demande si elle ne voulait pas prolonger son séjour... Il pouvait rentrer seul, si elle en avait envie. Mordjana soupire. Il avait compris que le courant ne passait pas entre elle et sa mère, et voulait peut-être qu'elle retourne chez elle pour une éventuelle réconciliation. Elle hausse les épaules. Non... Elle ne voulait pas rester... Elle voulait rentrer chez elle avec son mari... Au moment du départ, sa grand-mère lui remet une bouteille d'eau. -J'ai demandé à ton grand-père, lorsqu'il s'est rendu à la mosquée pour la prière du matin, de demander à l'imam de te faire une roqia. Tu boiras cette eau et tu en donneras même à ton mari... Vous souffrez certainement du mauvais œil et les forces du mal ne lâchent pas facilement leur proie. Emue, Mordjana serre la vieille femme dans ses bras. -Grand-mère... Que ferais-je sans toi ? -Patience ma fille. Tout finira par s'arranger. Tu verras. Suis mes conseils et demande à Samir de se rendre chez un médecin. -C'est promis grand-mère... N'oublie pas d'implorer la protection de Dieu pour nous deux à chacune de tes prières. -Je ne ferai que ça désormais. Que la bénédiction divine suive vos pas et vous protège des mauvaises intentions. Samir qui l'attendait avec son grand-père au seuil de la porte lui lance d'une voix impatiente. -Dépêche-toi donc, si tu ne veux pas qu'on rate l'avion. -Je suis prête... C'est juste que grand-mère voulait me remettre quelque chose. Le grand-père, à son tour, leur remet un immense régime de dattes et les serre tous les deux dans ses bras en essuyant une larme. -Vous avez égayé ma maison par votre présence. Revenez vite mes enfants... Ma porte vous est ouverte à tout moment. Emu, le jeune couple a pris congé, en se dirigeant vers le vieux tacot de Laïd qui les attendait non loin de là. L'avion décolle. Mordjana jette un regard par le hublot et voit s'éloigner sa ville natale. Elle repense à son week-end, et se dit qu'après tout elle avait bien fait de venir. Sa grand-mère l'avait écoutée, comprise et conseillée. Le fardeau était bien plus léger à porter sur ses épaules. Ses préoccupations, cependant, reprirent le dessus. Samir va-t-il consentir à se rendre chez un médecin, et à effacer définitivement les doutes sur une éventuelle stérilité ? -À quoi penses-tu Mordjana ? (À suivre) Y. H.