Cinquième chapitre : Malgré elle... Résumé : Maria reçoit son amie Ferrouz. Elles se plaignent de leurs fils mais reconnaissent qu'ils pourraient être pires. Elles prient pour qu'ils ne s'écartent pas du droit chemin. Maria sait qu'elle l'a bien élevé. Elle craint seulement que ses mensonges pour le garder auprès d'elle ne les séparent un jour. Salem n'est pas du genre qu'on mène à la baguette. Comme son père... Salem se pose déjà plein de questions. Impossible pour elle de tout abandonner du jour au lendemain. À chaque fois qu'elle sentait la situation lui échapper, elle avait pris leurs affaires. Le cœur serré, elle se rappelle leur départ de Annaba puis à Oran. À chaque fois au bureau, elle avait été harcelée. Le fait de savoir qu'elle était seule, "sans protecteur", les avait encouragés. Ils ne risquaient rien. C'était sa parole contre la leur, et sa parole ne valait rien. Qui croirait une mère célibataire et sans famille ? Elle est vite condamnable, sans même être jugée. Maintenant que son fils est grand, la situation est plus compliquée. Elle ne peut pas lui dire la vérité. Elle s'est enfoncée dans ses mensonges et elle sait que lorsqu'il découvrira la vérité, ça finira mal. S'il accepte la "mort" de son père et se contente de sa présence, elle sera la mère la plus heureuse du monde. Mais s'il décide de n'en faire qu'à sa tête, elle allait se retrouver seule. Cette pensée l'a toujours terrifiée. Et maintenant plus qu'avant... - Vous devez prendre votre tension deux fois par jours, suivre votre régime et évitez tout stress, insiste le médecin en lui remettant son ordonnance. Vous devez voir votre médecin traitant régulièrement ! Maria le rassure, elle suivra ses directives à la lettre. Elle avait hâte de rentrer chez elle. Ces trois jours à l'hôpital lui ont paru une éternité. Salem l'attend dans le couloir. Ferrouz est venue en voiture pour les ramener chez eux. Maria est heureuse de retrouver son foyer. Salem a fait des courses. Maria propose à Ferrouz de revenir pour le dîner mais elle refuse. - On programmera quelque chose dès que tu seras vraiment bien ! Va te reposer ! - T'inquiète, tata ! Je m'occupe d'elle ! - Tu as de la chance Maria ! Celle-ci acquiesce. Mais jusqu'à quand ? se demande-t-elle avant de prier pour qu'il reste aussi gentil et prévenant. Force est de constater qu'il a enterré le sujet. Plusieurs jours passent sans qu'il ne reparle de son père ni de ses envies. Maria peut enfin respirer. Elle craignait qu'il la harcèle de questions au point de la faire craquer. Mais même sous la toiture, elle ne lâchera pas la vérité. La vie a repris un cours normal. Salem étudie et ne sort que pour aller s'entraîner au foot. Maria remarque, lorsqu'elle rentre à la maison, qu'il est plus ordonné. La cuisine est toujours bien rangée et sa chambre brille au point où elle lui dit : - Pourquoi tu n'en fais pas autant avec ma chambre ? - Tu n'aimes pas qu'on touche à tes affaires ! lui rappelle-t-il. Il ne faudra pas te plaindre après ! - J'aimerais bien voir ça ! Son fils la surprend. Il se met à ranger sa chambre, dispose les parfums selon son goût et accroche des copies de tableaux de grands peintres. Maria ne cache pas son étonnement. - Tu es un ange, lui dit-elle en lui pinçant la joue. J'aime beaucoup... Merci mon fils ! Elle remarque de nouveaux petits cadres posés sur la table de nuit, tournés vers le lit. Elle s'en approche pour voir. Elle fronce les sourcils tout en se mordant la lèvre, comme pour s'empêcher de parler. Le cadre qu'elle a pris lui glisse des mains et tombe. Salem s'approche en entendant le bruit du verre cassé. Déjà Maria s'accroupit pour ramasser les morceaux. - Ça va maman ? Tu es toute pâle, remarque-t-il. Tu te sens mal ? Assieds-toi, laisse, je vais ramasser ! Maria se laisse aller sur son lit et ferme les yeux, pour ne pas voir le regard clair de Yahia. Elle a cru qu'en ne parlant plus de lui, Salem allait l'oublier mais il n'en est rien. Sa table de nuit le prouve. Elle est pleine de portraits de Yahia et d'elle. Salem revient et remarque son regard triste et inquiet. - Tu ne m'en veux pas ? Je croyais bien faire, dit-il avec un air déçu. Comme vous vous aimiez et que la mort vous a séparés, je pensais que tu aimerais le voir, le matin, à ton réveil ! "Oui, il fut un temps où j'aimais le voir, pense-t-elle en soupirant tout en prenant sa main. Plus maintenant..." - Le seul que je veux voir le matin, en chair et en os, c'est toi mon ange ! Mets-les dans ta chambre si tu veux. Le plus beau des souvenirs de lui, c'est toi ! (À suivre) A. K.