Résumé : À Annaba Mordjana dévalise les boutiques. En vérité, elle voulait oublier son quotidien morose et ses préoccupations. Les femmes sont toujours heureuses de s'acheter de nouvelles tenues et des cosmétiques... Elle ne s'en prive donc pas. Le soir, elle portait ses toilettes pour les montrer à Samir. Ce dernier la trouvait de plus en plus belle. Il hausse les épaules : -Laisse tomber tout ça... Voyons un peu cette jolie robe d'intérieur que tu viens d'acheter...Lève-toi un peu que je t'admire davantage. Mordjana se lève et virevolte devant la glace sous le regard amusé de son mari : -Comment tu me trouves ? -Très belle... Tu es magnifique Mordjana. Elle parut heureuse un moment, puis son sourire se fige. Elle s'éloigne de la glace et revint vers son mari : -Tu mens Samir. -Hein ? Pourquoi dis-tu cela ? -Tu mens... Je sais que tu veux juste me faire plaisir... Je ne suis pas aussi belle que tu le prétends. -Nous y voilà... Que veux-tu donc que je te dise de plus pour te prouver que je ne mens pas ? Elle soupire : -Que je suis une femme incomplète qui n'arrive même pas à te donner un enfant. Un peu surpris par cette réplique, il se lève et se met à arpenter la chambre : -Non... Non, Mordjana... Tu n'es pas une femme incomplète... Et tu n'es pas la seule fautive dans cette histoire d'enfant... Je suis impliqué moi aussi, ne l'oublie surtout pas. Elle pousse un soupir et se laisse retomber sur le lit : -Je ne voulais pas te froisser Samir... Je préfère être la fautive... La première fautive dans cette affaire, vois-tu... Je pense que quand c'est la femme qui est accusée, la chose passe mieux dans notre société. Il fronce les sourcils et s'agenouille devant elle : -Tu parles sérieusement ? Tu veux dire que tu acceptes d'être la première accusée si toutefois nous n'avons pas d'enfant ? -Oui... Je n'aimerais pas qu'on t'impute cette "anomalie"... Il y a la "redjla" Samir... La fierté légendaire du mâle... C'est pour cela que durant de longs siècles nos aïeux ont préféré tendre l'index vers la "femelle"... Elle seule peut démontrer que l'homme n'a pas "raté" sa mission... Elle seule, aussi, pourra supporter l'humiliation d'un échec... -Arrête ! Samir met une main sur son épaule : -Arrête Mordjana... Où veux-tu donc en venir avec toutes ces insinuations ? Elle se gratte la tête et repense à la vieille femme du hammam. Elle devrait essayer ce massage dont elle lui avait parlé... Chez qui pourrait-elle donc se rendre pour ce rituel miraculeux ? -Tu ne réponds pas Mordjana. Elle lève les yeux vers son mari et secoue la tête : -Je ne voulais rien insinuer... Je... Ecoute Samir... À Constantine, lorsque je me suis rendue au hammam, j'ai rencontré une vieille femme.... Elle se met à lui narrer cette rencontre et ce qui en avait découlé. Au point où ils en sont, pourquoi ne tenterait-elle pas cette nouvelle aventure ? Samir l'avait écoutée jusqu'au bout sans l'interrompre. À la fin de son récit, il lui prend la main et la porte à ses lèvres : -Je t'aime tant Mordjana... Je t'aime et je n'aimerais pas te décevoir... Mais vois-tu ma chérie, cette histoire me paraît un peu tirée par les cheveux... Nous avons vu tous les deux des médecins spécialistes et des professeurs réputés... Aucun d'eux n'a trouvé quoi que ce soit à redire sur nos capacités de procréer... Je m'incline devant les succès scientifiques... Mais ce que tu racontes là ne doit être que le résultat de quelques commérages entre vieilles femmes. Dépitée, Mordjana baisse les yeux : -Même si c'est le cas... Je veux essayer... Il faut tout tenter Samir... Tout... Il soupire : -Si tu y tiens, je ne vais m'y opposer. (À suivre) Y. H.