Sexe, drogues, violence, argent et alcool qui coule à flots. Ce sont ces images du Mexique et du Maroc qui éclaboussent les visages des festivaliers cannois. Deux films, deux réalisateurs, chacun avec son style, invite à un voyage dans les bas fonds de réalités sordides. Tandis que le réalisateur québécois Denis Villeneuve explore les cartels mexicains dans Sicario qui concourt pour la Palme d'or, le cinéaste marocain dévoile, dans Much Loved aligné dans la Quinzaine des réalisateurs, le visage caché de Marrakech laminée par la prostitution érigée en système. De Savages (2012) d'Oliver Stone au Cartel (2013) de Ridley Scott jusqu'à Sicario Denis Villeneuve nous avons affaire aux mêmes histoires sordides liées à la mafia mexicaine. Ce dernier, avec un réalisme cru, oriente ses caméras sur la zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique, devenue un territoire de non-droit. Il décrit cette dure réalité à travers la vision d'une jeune recrue idéaliste du FBI. Un groupe d'intervention d'élite doit déloger un caïd de la drogue en utilisant des méthodes peu catholiques. La jeune recrue est amenée à renier ses convictions pour pouvoir survivre. Cherchant à se coller à la réalité, la caméra s'est voulue nerveuse, tantôt collée au personnages, tantôt distante ou aérienne. On en retient surtout la prestation époustouflante de Benicio Del Torro qui défend 3 films à Cannes. S'agissant du Maroc, il existe quelques films abordant la question de la prostitution, comme Les Oubliés de l'histoire de Hassan Benjelloun, mais jamais le réalisme n'a été porté à son paroxysme comme l'a fait l'enfant terrible du Maroc, à savoir Hicham Ayouche. En effet, ce dernier monte sur ses chevaux pour montrer Marrakech, destination de rêve, de joie et de fête, comme un enfer sur terre pour de nombreuses jeunes marocaines contraintes à la prostitution, entre les mains de Saoudiens et d'Occidentaux, avec la complicité de la société silencieuse et du machiavélisme des autorités qui en tirent profit. Much Loved, filmé quasiment comme un documentaire, rendant son scénario faiblard, suit un groupe de filles qui pratiquent l'amour tarifé. Elles sont traitées comme des putes, des objets de désir et des morceaux de viande. Elles subissent la violence, l'humiliation pour quelques poignées de dollars. À cela se greffent les problèmes de drogue, de pédophilie et de corruption. De temps à autre, la caméra erre et se perd dans les rues misérables de Marrakech pour montrer la détresse sociale ambiante. Outre la propagation de ce vieux métier du monde, rentré dans les mœurs de la société marocaine, le plus choquant c'est surtout de voir cela érigé en système où même l'Etat en tire profit. Même si le Parlement a révisé et le roi du Maroc a promulgué en 2014 la Moudawana, Code du statut personnel marocain est le droit de la famille donnant plus de droits aux femmes, force est de constater, comme le montre le film, la femme reste le maillon faible de la société qui la considère comme un simple objet sans âme. Naturellement ce film a suscité une violence polémique dans le royaume chérifien. T. H.