Les réseaux de trafic de drogue basés sur la bande frontalière algéro-marocaine peinent à percer la fameuse tranchée qui ceinture l'extrême ouest du pays. D'échec en échec, leurs relais ne versent guère l'argent sale des moissons importées à partir du Rif marocain. Reportage. Il est 17h30 quand nous arrivons à Maghnia, à 665 km d'Alger. La première nouvelle venait de tomber. Mais pas n'importe quelle info. Celle-ci change la donne dans la carte criminelle et la répartition des tâches des filières spécialisées dans le négoce et le trafic de drogue. À la compagnie de Maghnia, on annonce que les gendarmes de Ghazaouet (Tlemcen) et les élites de la Section de sécurité et d'intervention venaient de mettre la main sur un citoyen âgé de 28 ans. Mais l'affaire est loin d'être une mission relevant de la simple routine. Cet individu faisait l'objet de trois mandats d'arrêt émis par les tribunaux de Maghnia et de Constantine pour commercialisation de stupéfiants. N'ayant pas été remboursé de la totalité des dettes de son acolyte, qui venait d'écouler une quantité de drogue, il le kidnappe avec la complicité d'un autre individu (en fuite) et le conduit vers Sidi-Kada (Mascara). Il le séquestre dans une habitation abandonnée et contacte les autres éléments de la filière sur le sort qu'il doit réserver à l'otage, lui aussi trafiquant de kif. Mais c'était sans compter sur d'autres membres du réseau, aussi mécontents, qui les dénoncent aux services de sécurité. Localisé, l'otage sera libéré et le ravisseur appréhendé. Alors que l'enquête est enclenchée, dès lors que ces individus sont placés en garde à vue à Marsa-Ben-M'hidi, trois individus simulent une panne avec leur camion. Chargé de 12 quintaux et 85 kg de résine de cannabis de type "Go", sont pistés par les gendarmes de Maghnia et ceux d'une brigade spécialisée qui resserre l'étau autour des narcotrafiquants. Interrogés sur-le-champ, ils déclarent qu'ils attendaient leur ami qui allait récupérer le PV du contrôle technique à Oran. Selon Laâla Khenfous, commandant de compagnie de Maghnia, une fois immobilisés à Hammam Bougherara, ils seront vite dénoncés par leurs acolytes. Ces derniers, croyant bien faire, seront localisés et interceptés à bord d'un autre camion qui transportait 14 quintaux et 21 kg de kif traité. Nous arrivons presque au moment de leur audition. Au total, ce sont huit personnes arrêtées, dont le gérant de l'agence de contrôle technique automobile. Le kif est dissimulé sur un plateau superposé et falsifié des camions. Ce nouveau mode opératoire allait réellement tromper la vigilance des gendarmes. Mais la guerre que se livrent les barons de la drogue aux frontières a fini par disloquer une grande filière qui exerce tant en Algérie, au Maroc qu'en Europe et les pays voisins. Avec une perte sèche de plus de 65 milliards de marchandise et une saisie record de 15 tonnes de kif traité dans la wilaya de Tlemcen en moins de 5 mois, ces réseaux ne cherchent plus qu'à récupérer leur argent. Les tranchées des GGF et le grillage marocain Mais la question reste posée : comment ont-ils réussi à acheminer cette drogue jusqu'à Maghnia ? Selon le lieutenant-colonel Krim Mohamed Fouad, commandant du 1er GGF (gardes-frontières), les narcotrafiquants recourent aux madriers pour franchir les tranchées hautes de 4 mètres et recourent au sac à dos pour acheminer la drogue par petites quantités. De l'autre côté du Maroc, ils utilisent les 8 grandes brèches et ont volontairement troué le fameux grillage instauré par le Maroc, par ailleurs financé par l'Union européenne, pour juguler le flux des immigrants clandestins. À ce jour, ils le font au vu et au su des services de sécurité marocains qui ferment les yeux afin de sauver l'économie de l'est du royaume chérifien. Supervisées par deux grands barons, un Algérien et un Marocain établis à El-Hefir et Oujda, ces opérations se déroulent en nocturne en recourant aux complicités qui s'amenuisent davantage, d'autant que les habitants de la région dénoncent, au quotidien, ces pratiques, selon des témoignages recueillis sur place. À l'ouest du pays, ce sont 168 personnes, entre barons arrivistes, dealers et courtiers qui sont recherchés. Et si 27 réseaux sont démantelés en moins de 4 mois, il est clair que la nébuleuse cherche encore des candidats prétendant à l'argent facile. Le chargé de communication à la GN, le lieutenant-colonel, Abdelhamid Kerroud, insistera sur le fait que leurs unités traquent des réseaux et non des individus. Et quand l'urgence est signalée, des unités héliportées sont déployées à partir d'Oran pour une meilleure surveillance aérienne. Au plan de la surveillance terrestre, les 1re et 19e GGF de Maghnia ont carrément renforcé le remblai dans les tranchées pour mettre fin à ces transgressions. Ce mode opératoire bute sur une autre saisie record de 20 quintaux de kif et la récupération de 23 baudets. À Roubaine, les habitants sont allés jusqu'à dénoncer cet état de fait pour empêcher les narcotrafiquants d'établir des bases arrières. On quitte Maghnia by night avec une masse d'informations faisant état de la saisie 82 000 comprimés de type Ecstasy, d'une valeur globale de 74 milliards, de 82 kilos de cocaïne, d'une valeur approximative de 248 milliards et de 32 tonnes de kif traité à travers les 48 wilayas, d'une valeur de 820 milliards. Ces enfants initiés à "l'école" de la contrebande La contrebande devient presque une activité quotidienne. Aux frontières avec le Maroc, un voisin pas comme les autres, des enfants apprennent à mener des opérations risquées, mais qui engrangent des sommes colossales d'argent pour les réseaux mafieux. Mais que gagnent-ils sinon se retrouver sans avenir ? Dans les contrées enclavées de l'extrême ouest d'Algérie, les élèves préparent les examens de fin d'année. Péniblement, certes, mais l'ambition y est. Délicate, la situation géographique ne donne pas la même chance à tous ces bambins et ces jeunes mineurs pour viser le même objectif. Cette minorité, aussi insignifiante soit-elle, s'investit au quotidien dans une école. Une autre école. Celle de la contrebande. Initiés par des réseaux mafieux, ils sont chargés d'exécuter de sales besognes, de conduire les bêtes et d'éclairer les passeurs. Scotchés au téléphone, ils sont là à guetter la moindre présence étrangère et informent, en temps réel, leurs "barons". Parfois, ce sont leurs parents qui les embourbent dans ce "métier". Drôle de passage de flambeau pour une progéniture qui ne profite guère de sa seule enfance. L'image vaut mille mots, à la sortie de Maghnia, des centaines de sentinelles veillent au grain et patrouillent pédestrement. Eux, ce sont les éléments des Gardes-Frontières (GGF). Les enfants connaissent bien la chose : dès qu'un mouvement anormal paraît, ils grouillent. Dans ces contrées chères aux filières criminelles transfrontalières, ce sont 610 000 litres de carburant et 1 350 bêtes de somme qui sont abandonnés en 4 mois par les contrebandiers. C'est l'équivalent de 600 camions-citernes d'essence et de gasoil qui vont approvisionner le marché noir au Maroc. Les circuits de passage des marchandises changent et les tranchées suivent pour traquer cette mafia bien établie des deux côtés de cette bande frontalière.
MISSIONS D'INTERVENTION DE LA GENDARMERIE NATIONALE : Le MDN invite des attachés militaires accrédités en Algérie Des attachés militaires accrédités en Algérie ont visité hier les structures du commandement de la Gendarmerie nationale, notamment l'Institut national de criminologie et de criminalistique (INCC) et le Détachement spécial d'intervention (DSI). Selon la cellule de communication de la GN, il s'agit d'une activité d'information de la GN programmée par le ministère de la Défense nationale (MDN). Lors de cette visite, la délégation s'est enquise des missions des laboratoires de la criminalistique et de la criminologie, notamment les départements de biologie, de médecine légale, de toxicologie, d'examen véhicules, d'électronique et d'examen documents. La même délégation s'est ensuite déplacée au Détachement spécial d'intervention de la GN où elle a reçu un exposé sur les missions de cette élite spéciale dans le domaine de la lutte contre toutes les formes de la grande criminalité, notamment les opportunités de formation et d'entraînement dans cette unité opérationnelle, ainsi que les moyens humains, matériels et techniques de l'intervention spéciale. Ces attachés ont eu droit à des exhibitions qui mettent en relief les hautes capacités professionnelles et de combat ainsi qu'un exercice exécuté par des gendarmes portant sur les techniques d'intervention, de neutralisation héliportée pour appuyer l'intervention des gendarmes au sol pour le sauvetage et la libération des otages séquestrés par un groupe armé dans une zone urbaine. Un autre exercice a été accompli au profit des hôtes et portant sur la protection rapprochée et l'escorte des personnalités importantes ainsi que les techniques de neutralisation des personnes dangereuses sur les routes et les places publiques. F. B.