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Quand Germaine Tillion allait à la rencontre de Zohra Drif et Hassiba Ben Bouali Cela s'est passé au refuge des moudjahidine à la rue Caton en été 1957
La fin du mois de juin 1957, la zone autonome d'Alger traversait une rude épreuve et les combattants avaient bien besoin d'une trêve pour réorganiser leur approvisionnement en explosifs. C'est dans leur refuge au 4, rue Caton, à la Casbah, que Zohra Drif, en compagnie de Hassiba Ben Bouali et Ali la Pointe, apprendra de Yacef Saadi la nouvelle d'une éventuelle rencontre avec une certaine Germaine Tillion, ethnologue, ancienne résistante et déléguée du CICRC. Une rencontre organisée par l'intermédiaire du militant Ali Bouzourène, approché par deux autres militants Hadj Smaïn, de son nom de guerre Kamel, et Fatima Hamdiken, une universitaire collaboratrice de l'ethnologue. Le premier objectif de cette rencontre avec Germaine Tillion était de témoigner auprès de CICRC le fait d'exécuter à la guillotine des combattants pour la liberté. Le second était de décrocher une trêve si nécessaire à la ZAA. Zohra Drif avait déjà entendu parler de Germaine Tillion durant ses années de fac. Elle avait admiré, de par les récits de son amie "Mimi", son courage dans la résistance à l'occupation nazie. Un engagement l'ayant menée en prison et au camp de Ravensbrük. Une admiration nuancée par la réalité du fait colonial et par la présence des deux icônes des deux côtés du front. "Notre point de discorde avec Mimi concernait les centres sociaux et l'appel à une trêve civile lancé par Camus et soutenu par Germaine Tillion", raconte Zohra Drif dans ses Mémoires. Mais le passé de Germaine Tillion, ce qui se vérifiera par la suite, créditait sa réputation de femme d'honneur. "Je me disais que Germaine Tillion, ancienne combattante pour la liberté, résistante à l'occupation étrangère de son pays et ancienne déportée au camp de Ravensbrük, ne pouvait que nous comprendre", explique, à juste titre, Zohra Drif Bitat. La première rencontre eut lieu le 3 juillet 1957 au 3, rue Caton. Zohra Drif se souvient : "Ali la Pointe, debout, avait un air très sérieux comme s'il boudait. Yacef, le visage fendu d'un grand sourire qui plissait ses yeux, avait l'air décontracté et sûr de lui. Hassiba, comme à son habitude, distante et réservée, fixait Germaine Tillion droit dans les yeux. Quant à moi, j'étais à la fois curieuse et ravie de rencontrer pour la première fois une résistante en chair et en os. Jusque-là, je n'en avais croisé que dans la littérature ou au cinéma." Au cœur de cette première rencontre tenue dans la clandestinité, une seule question se posait à Germaine : "Comment faire pour arrêter ce cycle infernal de violence ?" Ainsi, lors de ce conclave, il a été décidé que la ZAA renonçait à la pose des bombes contre un engagement de la France à cesser le recours à la guillotine. Germaine Tillion plaidera cette démarche auprès des autorités française dont le général de Gaulle. La deuxième rencontre s'est tenue presque un mois après la première, cette fois-ci entre Germaine Tillion, d'une part, et Yacef Saadi et Zohra Drif, d'autre part. Parmi les objectifs de ce conclave, le projet de dépêcher, par l'intermédiaire de Germaine Tillion, un émissaire à Tunis pour informer le GPRA des contacts de la ZAA avec le gouvernement français. Mais comme le relate Zohra Drif, "nous ne savions pas que nous venions de poser le premier jalon du processus qui mènerait à notre arrestation, Yacef et moi, sans que nos responsables à Tunis ne soient jamais mis au courant de notre contact avec le gouvernement français. (...) Nous ne savions pas que le contact direct avec Germaine Tillion allait nous sauver, El Kho (Yacef Saadi, ndrl) et moi, de la torture et de la mise à mort". à la suite d'une trahison, l'émissaire est arrêté, la cache de la rue Caton découverte et aussi bien Yacef Saadi que Zohra Drif furent arrêtés. M. K.