Résumé : Saléha a du mal à accepter la réalité... Mordjana avait préféré se rendre chez ses grands-parents et n'a même pas daigné lui rendre visite. Cette dernière la rassure... Elle était juste fatiguée et était venue chercher un peu d'apaisement... Cela ne voulait pas dire qu'elle n'avait pas pensé à venir à la maison. Mais Saléha n'en démord pas... Mimouna la sermonne. Aveuglée par la colère, elle remonte son voile et quitte les lieux. Mordjana la suit des yeux. Elle n'avait pas voulu interrompre sa grand-mère, car elle reconnaissait dans ses propos une réalité inéluctable. Sa mère n'aimait pas voir les gens heureux. Elle souffrait de leur bonheur, et le leur reprochait par un comportement agressif et illogique. Mimouna la tire de ses méditations : -J'ai préparé du café ma fille... Allons le déguster dans la cour, le soleil est presque couché et la fraîcheur du crépuscule te fera du bien. -Grand-père n'est pas là ? -Non. Il est parti chez un marchand de dattes... Il aime les dattes juteuses qu'il prend tous les soirs avec du thé... -Moi aussi j'en raffole... Samir a, de son côté, appris à apprécier notre thé du soir... -Eh bien, nous allons t'offrir du bon thé du Sud, et une gerbe de dattes juteuses. -Merci yemma Mimouna... Samir en sera heureux... Depuis son dernier passage chez vous, il ne cesse de faire vos éloges... -Nous l'aimons comme notre propre enfant... Il l'est depuis qu'il t'a épousée. Mordjana suit sa grand-mère, et elles s'installèrent au grand air dans la cour. Mimouna verse du café et propose à Mordjana de goûter à ses beignets au miel, qui étaient encore tout chauds. -Hum... C'est très bon, lance la jeune femme en avalant une bouchée... Et c'est bien plus léger que les beignets qu'on prépare d'habitude. -Je les ai préparés avec de la farine, du beurre et de la levure de bière... -Tiens... La recette me paraît un peu différente. -Oui... C'est comme cela qu'on les préparait dans le temps. Puis, la semoule ayant pris le relais, on a vite oublié cette vieille recette... Je suis contente de te voir l'apprécier. -À ce rythme, je vais prendre des kilos avant mon retour chez moi et Samir va me le reprocher. La vieille femme secoue la tête : -D'abord, je te trouve bien plus maigre que lors de ton dernier voyage... Tes angoisses t'ont fait perdre plusieurs kilos. Ensuite, il faut que tu saches ma fille que les hommes, quels que soient leur rang et leur niveau d'instruction, préfèrent les femmes un peu rondes. La femme est belle avec ses formes. Mordjana sourit : -Samir ne m'a jamais fait de remarque sur ce point. Il se préoccupe davantage de ma santé. -En ce moment, vous êtes tous les deux pris dans les mailles d'un filet d'inquiétude. Cela ne veut pas dire aussi que ton mari ne s'intéresse pas à ton bien-être ou à ton confort. -Loin de là grand-mère. Samir s'inquiète même trop pour moi. -Tout rentrera dans l'ordre si Dieu le veut. Lla Sakina est connue pour ses massages et son savoir-faire dans le domaine de la procréation... Mordjana soupire : -J'aimerais tant en terminer avec ce cauchemar... Tu vois aussi comment ma propre mère me traite, alors que je suis stressée et anxieuse.. -Ne reviens plus sur ça. Ta mère, je la connais depuis plus de trente années... Elle n'était pas plus haute qu'une jarre lorsqu'elle trottinait dans la courette de ton grand-père maternel, alors que je me rendais chez eux pour acheter du lait ou ramener du bois... -Tu la connaissais donc bien avant son mariage avec mon père ? -Et comment ? Nous étions déjà voisins, et même un peu cousins... Mon arrière-grand-mère avait épousé un grand oncle à eux... Et puis, les années sont passées. Les deux familles s'étaient séparées, mais le destin avait vite fait de nous unir. Nous n'avons pas cherché ailleurs pour marier ton père. Saléha était indiquée. Elle était belle, savait tenir un foyer et était secrètement amoureuse d'Ahmed. - Ma mère amoureuse ? Je n'en crois pas un mot. -Si, elle était éprise d'Ahmed. Mon fils était encore au service national lorsqu'ils s'étaient rencontrés lors d'une waâda auprès du grand saint de la région. Ahmed portait sa tenue militaire et attirait les regards de toutes les jeunes filles. Saléha ne cessait de le regarder et de lui sourire, avant de me demander de la laisser lui servir son café. C'est là où j'avais pris la décision de demander sa main... (À suivre) Y. H.