Résumé : Allongée dans le noir auprès de son mari, Mordjana se demande si ce dernier avait deviné la froideur de Saléha à leur égard. Mais comme Samir était quelqu'un qui gardait ses opinions pour lui, elle n'en saura rien. Au petit matin, elle est réveillée par une bonne odeur de café. Maroua et Safa étaient déjà dans la cuisine... Elle décide de les rejoindre. Mordjana se verse un café en hochant la tête : -Oui... Je vais rendre visite à grand-mère et grand-père... Ils me manquent énormément. -Toi aussi, tu leur manques. La dernière fois que j'ai vu grand-mère, elle n'avait pas cessé de demander de tes nouvelles... -Brave mamie... Comment va-t-elle donc ? -Oh ! elle se porte magnifiquement bien pour son âge... C'est grand-père qui est un peu fatigué... Son rhumatisme le fait atrocement souffrir. -Dès que Samir se réveille, nous irons leur rendre visite. -Ils en seront heureux. À ce moment, Saléha fait son entrée dans la cuisine. Elle jette un regard circulaire, avant de s'approcher de Safa et de toucher de ses doigts la pâte qu'elle était en train de pétrir. -Elle est trop molle... Tu as rajouté trop d'eau... -Je n'ai fait que suivre les instructions de Maroua... Elle m'a dit que la galette doit être moins dure... Saléha secoue la tête : -Tu devrais plutôt suivre mes instructions... Ma galette a toujours été à point. Pourquoi changer de recette... Maroua l'interrompt : -Je voulais que la galette soit molle et assez épaisse... Samir n'est pas habituée à manger nos tuiles. -Des tuiles... Ma galette est une tuile ? Tu n'as pas honte de parler ainsi Maroua ? Maroua hausse la tête : -Maman, tu devrais savoir que ce n'est pas tout le monde qui peut apprécier ta galette... Toi tu économises sur l'huile, la levure et le sel... C'est pour cela que ta galette est dure... Nous autre sommes habitués à la manger ainsi...Mais nos invités ne doivent pas souffrir de nos privations. Saléha fronce les sourcils : -Tu parles de privations ! Depuis quand as-tu compris que je me suis toujours privée pour que vous mangiez à votre faim ? Depuis quand sais-tu que parfois je dors le ventre vide, afin de garder ces bouts de "tuiles" pour que les petits puissent partir à l'école en ayant quelque chose dans le ventre ? Mordjana se lève et pose une main sur l'épaule de sa mère : -Ne t'inquiète pas maman... Prépare ta galette comme d'habitude... Samir et moi n'allons pas déjeuner ici aujourd'hui. Saléha lui jette un regard curieux : -Où allez-vous partir ? -Chez Yemma Mimouna et baba Ameur... -Tes grands-parents... Tu veux leur présenter ton mari bien sûr. -Ils m'en voudront à mort si je ne leur rends pas visite. Saléha pousse un soupir : -Tu as pensé à tout... Tes frères, tes sœurs, tes grands-parents... Chacun a eu sa part... -Toi aussi maman... -Moi ? Laisse-moi donc rire... Tu veux dire que j'ai eu une part de ta générosité... Tu m'offres un coupon de tissu, un foulard, un parfum et tu estimes que j'ai reçu mon dû. Maroua s'interpose : -Voyons maman... Pourquoi tu t'emportes ainsi ? Tu vas réveiller les autres avec tes éclats de voix. Saléha revint vers sa cadette le regard courroucé : -Assez Maroua... Je suis libre d'exprimer mes opinions... Ne te mêles pas. -Si. Je dois me mêler... Tu n'as pas cessé de sermonner Mordjana depuis son arrivée... Que t'a-t-elle donc fait pour mériter ton hostilité ? Elle vient nous rendre visite, après une longue absence, nous couvre de cadeaux et tente tant bien que mal de faire bonne figure devant son mari... N'oublies pas que c'est la première fois qu'il vient chez nous... Tu devrais faire l'effort de lui être agréable. Saléha la toise un moment, puis murmure : -Dès que vous avez vu votre sœur, vous vous êtes toutes liguées contre moi petites pestes...Que vous a-t-elle donc apporté en dehors de ces quelques fripes ? Maroua tente de riposter, mais Mordjana la devance : -Tu as raison maman... Je n'apporte que des fripes et des ennuis... J'ai oublié que j'étais cette indésirable qui a pourtant sacrifiée sa jeunesse et ses études pour t'aider à élever ta nombreuse progéniture... Tu étais tout le temps alitée... Et les rares moments où tu n'étais pas malade, tu étais enceinte... (À suivre) Y. H.