C'est la raison de leur classement dans la catégorie des déchets dangereux. Les chiffres fluctuent selon les sources. Il y aurait 90 000 tonnes d'huiles usagées sur les 180 000 tonnes de lubrifiants utilisés annuellement dans le pays, selon le défunt ministère de l'Aménagement du territoire et de l'environnement (Mate). Pour le Centre national des techniques de production plus propres (CNTPP), jusque-là, sous tutelle du même ministère : "Le marché est de l'ordre de 150 000 tonnes par an, se répartissant comme suit : huiles moteurs 75%, huiles industrielles (ateliers, entreprises industrielles) 19%, graisses et paraffines 3%, huiles aviation et marine 3%". Enfin dans un document datant d'avril 2014 (Rapport sur la gestion des déchets solides en Algérie), élaboré par la Coopération allemande (GIZ) en collaboration à avec la direction du Mate, on lit : on estime la production annuelle d'huiles usagées à environ 110 000 tonnes dont 70% sont générées par les véhicules. Par contre, toutes les sources s'accordent sur une chose : la collecte de ces huiles est défaillante et le recyclage demeure une activité pratiquement inexistante en Algérie, en l'absence d'unités de traitement spécialisées. Des déchets très polluants et dangereux Le sujet dont il est question concerne les huiles minérales ou synthétiques, devenues inaptes après usage. Elles sont classées en plusieurs catégories : les huiles industrielles noires (huiles de procédés, huiles de trempe, huiles de laminage), les huiles industrielles claires (huiles de transformateurs, huiles hydrauliques, huiles de turbines) et les huiles de vidange des moteurs. Elles ne sont pas biodégradables et sont extrêmement polluantes pour les sols et l'eau, c'est la raison de leur classement dans la catégorie des déchets dangereux. Un seul litre d'huile usagée peut contaminer 1 million de litres d'eau. De plus les huiles de vidange contiennent de nombreux métaux toxiques ou lourds comme le plomb et le cadmium qui peuvent endommager les stations d'épuration. Les huiles qui contiennent des PCB (polychlorobiphényles) qui étaient massivement utilisés dans les transformateurs font l'objet d'une réglementation et d'un traitement spécifique (Convention de Stockholm). Recyclage et valorisation L'opération de recyclage commence par la collecte pour subir un traitement de régénération ou de valorisation. La régénération est une véritable opération de raffinage qui produit une huile de base identique aux huiles neuves. La deuxième méthode, valorisation, consiste à brûler ces huiles comme des combustibles dans les cimenteries ou dans les centres dédiés aux déchets industriels spéciaux. Au sujet des huiles claires, SKMK filiale de Sonegaz prend en charge la récupération et la régénération des huiles diélectriques usagées des transformateurs. Par contre, pour le reste avec, en plus, l'explosion du parc automobile les dix dernières années, le volume des huiles noires ou de moteurs est en constante augmentation. Après l'arrêt de l'exportation, par l'entreprise de distribution Naftal, des huiles usagées pour traitement vers la Grèce et la Tunisie, la collecte se retrouve perturbée à cause des limites des capacités de stockage : 12 426 m3 (3 476 m3 pour les dépôts primaires et 8 950 m3 pour les dépôts portuaires). L'ancien ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, lors d'une séance de questions orales au Conseil de la nation a déclaré que Naftal envisage de mettre en place une unité de raffinage des huiles industrielles usagées, ajoutant que l'entreprise ne récupère que 18 000 tonnes de ces huiles annuellement, soit 8%, tout en rappelant que l'investissement dans le raffinage de ce type d'huiles était ouvert. Mais tout le monde sait que de telles installations nécessitent de lourds investissements. Hichem Khatraoui, gérant de la société Ag-lub, spécialisée dans la collecte des déchets évalue le coût d'installation d'une seule unité de régénération à un montant allant entre 2 et 10 millions de dollars. Il considère que c'est un investissement "énorme" pour les particuliers. "Les entreprises privées agréées n'ont pas les moyens nécessaires pour développer cette activité sans incitation et encouragement des pouvoirs publics", conclut-il. Risques sur l'environnement et manque à gagner En dehors de Naftal qui a inauguré l'activité de collecte en 1996, le Mate a agréé une quinzaine de collecteurs à l'échelle nationale. Ce sont généralement des PME avec des moyens décisoires. Les quantités collectées sont stockées en attendant l'affrètement d'un bateau pour les acheminer en Europe où elles sont vendues à des raffineurs. L'irrégularité des enlèvements implique parfois des durées de stockage qui s'éternisent avec tous les risques de fuite que cela peut induire. Les générateurs d'huile qui sont confrontés à de telles situations ne disposent pas de moyens de stockage illimités. Il n'est par rare qu'ils s'en débarrassent dans les réseaux d'assainissement. Le cahier des charges des collecteurs ne les oblige pas à un enlèvement des huiles stockées dans les stations-services. Il est bien connu que dans cette forme d'économie circulaire, si un seul maillon manque toute la chaîne est désorganisée. À la veille de son départ du gouvernement, Dalila Boudjemaâ a estimé que le manque à gagner à cause de l'absence d'infrastructures de revalorisation est de 300 millions d'euros annuellement sans compter la création d'emplois durables. Un mémorandum d'entente entre le CNTPP et le Plan d'action pour la Méditerranée (PAM) portant sur la gestion des huiles à moteurs usagées en vue de protéger la Méditerranée de la pollution, a été signé, en juin 2013. Dans ce cadre, un projet pilote est cours d'exécution au niveau du CNTTP. Les pouvoirs publics vont-ils penser à mettre en place un dispositif attractif pour l'investissement dans ce secteur ? En tout cas, la diversification économiques passe par de nombreuses niches pérennes. R. S.