Un bilan sommaire de la branche des industries du recyclage, pour les trois décennies passées, laisse apparaître des résultats globalement négligeables hormis les activités de récupération des métaux non ferreux sources de rentes nombreuses et de scandales récurrents. Un regard rétrospectif permettra de mieux mettre en perspective les actions correctives pour la relancer, car outre les valeurs ajoutées qu'elle peut générer, cette branche constitue un segment important dans le dispositif de protection de l'environnement. Examinons pour ce faire une opération qui aurait du être l'activité de référence pour le recyclage des produits utilisés en vue d'une meilleure protection de l'environnement : celle des huiles moteur et des huiles industrielles usagées De quoi s'agit-il en termes de marché? Le marché algérien des lubrifiants s'élève à 180 000 tonnes dont 60 à 70% pour les lubrifiants moteurs et 30 à 40% pour les lubrifiants industriels L'utilisation de ces lubrifiants génère, selon les normes et standards communément admis, 110 000 tonnes d'huiles usagées dont 85 000 tonnes d'huiles moteurs et 25 000 tonnes d'huiles industrielles. L'opération de collecte qui est la partie la plus délicate du processus de recyclage peut atteindre un taux de collecte maximal de 80% pour les huiles moteurs. Qu'avons-nous fait en la matière? Beaucoup d'annonces mais peu de résultats. Les actions initiées par les pouvoirs publics, depuis les années 80, n'ont pas obtenu à ce jour des concrétisations significatives. Pour tout dire le secteur privé non plus ne s'est pas beaucoup engagé. Rappel des faits. Le réseau de distribution de Naftal avait été chargé de faire le plus dur en procédant à la récupération des huiles de vidange automobile dans ses stations service et celle des huiles industrielles dans les usines concernées. Mais pour des raisons diverses, notamment le peu d'adhésion des opérateurs concernés, le taux de 10% de récupération a rarement été dépassé. Pour accompagner la démarche un dispositif réglementaire avait été mis en place ; il s'agit du décret exécutif n° 04- 88 du 22 mars 2004 qui encadre les activités de collecte et de récupération des huiles usagées. Les quelques promoteurs prives qui se sont engagés ont finalement transformé leur activité de recueil et de traitement des huiles usagées en simple opération d'embouteillage et distribution de lubrifiants importes ou achetés localement. A l'évidence les dispositions de ce texte n'ont pas été suffisamment attractives pour encourager l'investissement privé dans ce créneau. A ma connaissance aucune installation de traitement et de régénération des huiles usagées n'a été créée en Algérie. Il y a eu quelques tentatives mais elles ont avorté. Des investisseurs des pays du Golfe ont bien approché des promoteurs locaux mais ont finalement considéré, sur la base des business plans élaborés, que les taux de rentabilité étaient trop faibles et les retours sur investissement trop lents. Il y a eu également un intérêt d'un groupe européen mais qui ne proposait que la solution industrielle sans prise de risque dans l'investissement. Ainsi faute d'installations de traitement en Algérie, le segment de création de valeur le plus important de l'activité avait été externalisé vers l'étranger : des transferts par bateaux et des acheminements par camions faisaient parvenir les produits collectés notamment en Grèce mais surtout en Tunisie où ils y étaient recyclés. Au total les initiatives privées ou celle de Naftal n'ont jamais dépassé le stade d'une collecte limitée et celui de l'exportation en l'état des ces produits. Cette situation est quand même paradoxale pour un pays disposant d'une puissante industrie de transformation pétrolière d'autant que la régénération permet d'obtenir, à partir de 3 litres d'huiles usagées, 2 litres d'huile de base ayant les propriétés de l'huile de base initiale. De plus les déchets peuvent être également utilisés comme combustible dans certaines cimenteries. Il faudrait par conséquent que les pouvoirs publics, en liaison avec Naftal et les promoteurs privés, identifient et traitent les facteurs de blocage pour stimuler cette activité. Je considère pour ma part qu'il y a au moins deux raisons au manque d'intérêt des investisseurs. La première est d'ordre technologique ; elle renvoie aux anticipations faites sur le développement des motorisations faiblement consommatrices de lubrifiants. La seconde est d'ordre économique et financière ; il s'agit de la variation des prix des produits pétroliers et dérivés qui introduit un facteur d'incertitude dans les taux de profits souhaités par ces derniers. Dans ces conditions et pour corriger ce gap, on pourrait par exemple mettre à jour et mobiliser des dispositions révisées de l'article 61 la loi de finances 2006 qui avait institué une taxe sur les lubrifiants importés ou fabriqués localement. Rappelons que les revenus annuels de cette taxe sont actuellement répartis comme suit : 15% au profit du trésor public, 35% au profit des communes et 50% au profit du Fonds national de l'environnement et de la dépollution (FEDEP). Mais cela ne sera pas suffisant. Ce qui fera réellement bouger les lignes en la matière c'est surtout une politique plus stricte sur la protection de l'environnement contre les rejets liquides polluants et ensuite une tarification appropriée accompagnée d'une incitation fiscale. Pour terminer sur une note moins pessimiste, je signale que la Chambre du Commerce et de l'Industrie des Aurès a lancé une initiative intéressante pour dynamiser l'activité. Il s'agit d'une étude sur le potentiel de récupération des huiles usagées et l'identification des investissements requis. Cela sera conclut par une rencontre B to B pour la mise en relation d'affaires et le partenariat entre entreprises européennes disposant de la technicité et du savoir-faire et leurs homologues algériennes et tunisiennes. C'est toujours cela de gagné en attendant mieux.