Sa qualité de chef d'état-major de l'ANP faisant de lui un militaire opérationnel, Gaïd Salah implique son institution, laquelle se retrouve de fait mise en faux par rapport à ses missions constitutionnelles. Lors du 6e congrès extraordinaire du Front de libération nationale (FLN), en décembre 1988, le président de la République, le défunt Chadli Bendjedid, désireux de montrer une volonté d'éloigner l'armée de la vie politique, demanda et obtint des militaires de se retirer du Comité central du parti. Vingt-sept ans plus tard, en mai 2015, le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, entreprend de faire faire à l'institution militaire le chemin inverse, en prenant sur lui de la mêler ouvertement à la vie politique nationale, à travers sa lettre de soutien au secrétaire général fraîchement désigné du FLN, en l'occurrence le controversé Amar Saâdani. Sa qualité de chef d'état-major de l'ANP faisant de lui un militaire opérationnel, Gaïd Salah, par son initiative, implique nécessairement son institution, laquelle se retrouve de fait mise en faux par rapport à ses missions constitutionnelles. Lesquelles missions que le même Gaïd Salah mettait en avant lorsqu'il lui fallut, en juin 2013, sonner la charge contre le vieux militant nationaliste, membre des 22 historiques, le défunt Mohamed Mechati, lequel, dans une tribune libre, avait appelé "l'armée à agir vite" et c'était dans le même argumentaire qu'il puisa pour répliquer à Mouloud Hamrouche, qui réclama, lui aussi, une intervention de l'armée pour aider à une solution à la crise politique. Pourquoi le chef d'état-major de l'ANP ne s'en est-il point tenu à l'obligation de réserve, à laquelle l'astreint sa fonction, s'agissant du congrès du FLN auquel il vient d'apporter son onction et, par ricochet, celle de l'armée ? Il faudrait qu'un enjeu majeur l'y pousse. Peut-être une sérieuse question de pouvoir. D'autant plus qu'il demeure incompréhensible que "ces honneurs" bénéficient au seul parti FLN, dont le Xe congrès fut salué comme une œuvre majeure par Abdelaziz Bouteflika, non pas le président du FLN, mais le président de la République. D'aucuns n'auraient pas déjà manqué de se poser la question de savoir ce qui détermine tout cet empressement autour du parti d'Amar Saâdani, alors que la scène politique regorge de partis agréés, et qui ont eu, eux aussi, à organiser leurs congrès sans que les représentants de l'Etat estiment convenable d'y poster des messages de soutien. Tout procède, s'agissant du parti FLN version Saâdani, comme d'une tentative d'un retour au parti unique. L'intégration massive des membres du gouvernement dans le comité central du parti, en tant que désignés dans le quota élastique que les statuts du FLN confèrent au secrétaire général, fait remonter en mémoire la contrainte faite, jadis, aux responsables politiques et autres qui, rappelons-le, étaient obligés d'avoir la carte du parti. C'était le fameux article 120. À la différence que, en l'espèce, cette obligation d'adhérer au parti n'intervient pas comme un préalable, mais bien a posteriori. Et avec cette majorité gouvernementale qui s'ajoute à la majorité parlementaire, le FLN, par ailleurs, soutenu par les deux institutions, que sont la présidence de la République et l'institution militaire, travaille à redevenir le parti-Etat. Une ambition qui s'exprime dans une phase de pré-succession à la tête de l'Etat. S .A. I.