Accusée par ses partenaires occidentaux, au sein de l'Otan, la Turquie va-t-elle se joindre durablement à la coalition internationale en Syrie et en Irak ? La Turquie a fait officiellement son entrée en guerre, dans la nuit de jeudi à hier, en Syrie où ses chasseurs F-16 ont bombardé au moins trois positions de l'Etat islamique (EI/Daech), dans le nord de ce pays voisin, en guerre civile depuis mars 2011. "Dans le cadre des moyens et capacités nationaux et des décisions prises lors de la réunion spéciale sur la sécurité, les Forces armées turques ont mené une opération contre l'organisation terroriste Daech en Syrie, dont trois positions ont été ciblées par des avions qui ont décollé de la base à Diyarbakir (sud-est)", a indiqué un communiqué du Centre de coordination du bureau du Premier ministre, repris par l'agence de presse turque Anadolu. "Le poste frontalier turc dans la province de Kilis (sud) a été ciblé, jeudi, par des éléments de Daech", a expliqué le même communiqué, pour justifier cette entrée en guerre d'Ankara en territoire syrien, mais sans qu'aucune revendication soit émise par cette organisation terroriste. L'Etat islamique n'a même pas revendiqué l'attentat-suicide à Suruç, dans le sud frontalier avec la Syrie. Un attentat qui a fait 32 morts et une centaine de blessés, en majorité des jeunes militants pro-kurdes. Mais le régime du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a saisi cette occasion pour intervenir, pour la première fois, en Syrie, dans un contexte marqué par un sérieux blocage politique en Turquie. Après avoir perdu la majorité absolue, lors des législatives de juin dernier, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) éprouve toute les difficultés pour former un gouvernement de coalition. Ces frappes en Syrie contre les positions de Daech font-elles partie de la stratégie de l'AKP et d'Erdogan pour sortir de l'impasse ? La menace sur la sécurité nationale constitue un véritable argument pour amener certaines forces politiques à s'allier à l'AKP, un parti dont les réformes politiques vont à contre-courant des principes de laïcité instaurés en Turquie du temps de l'ancien dirigeant Mustafa Kamal Attaturk. Mais, au-delà de ces considérations politiques conjoncturelles, Ankara a dans son viseur ses Kurdes et les Kurdes syriens. Le président turc avait déclaré, il y a quelques jours, qu'il fera tout ce qu'il faut pour empêcher les Kurdes syriens de se doter d'un Etat, devant l'éventualité de la dislocation de la Syrie, du fait de l'avancée de l'Etat islamique et de l'incapacité du régime de Damas à mettre fin à la guerre qui l'oppose depuis quatre ans à ses rebelles. L'attentat, qui a coûté la vie mercredi à deux policiers turcs, dans le sud du pays, et qui a été revendiqué par le parti indépendantiste kurde le PKK, ne peut qu'arranger la vision d'Ankara du "tout sécuritaire" dans cette zone frontalière avec deux pays menacés de disparition par l'expansion de Daech. L. M.