Cette dernière chronique, avant le traditionnel break du mois d'août, se devait d'être consacrée aux effets d'une LFC 2015 très attendue. Ce faisant, je prends délibérément le risque de réveiller des inquiétudes que la plupart des vacanciers algériens auraient peut-être souhaité oublier le temps d'une escapade ici ou à l'étranger. Mais certaines dispositions de la LFC 2015 vont immédiatement impacter l'ensemble de la vie économique et sociale du pays. J'ai pensé qu'il était plus judicieux de les expliciter tout de suite avant la rentrée économique et sociale. Alors en quoi consistent-elles pour les salariés, le ménages et les entrepreneurs algériens ? Premier aspect à souligner les éléments de cadrage optimistes et non anticipés de la loi de finances 2015 ont été sensiblement réajustés conformément au principe de réalité. En bref, ils concernent la diminution de 50% des recettes attendues en devises pour 2015 ($ 34 milliards) par rapport à 2014 ($ 68 milliards) et corollairement la chute des recettes provenant de la fiscalité pétrolière établie à présent sur la base d'un prix de marché fixé à $ 60 le baril de pétrole. Deuxième élément à retenir : la brutalité de ce choc externe ne sera amortie ni par une diminution significative des importations ni par une diminution des dépenses budgétaires. S'agissant des importations, elles ne diminueront que de 4,5% passant de $ 60 milliards en 2014 à $ 57,3 milliards en 2015. Cela est négligeable et reflète d'une part les inerties structurelles d'un système productif national atrophié et d'autre part la puissance et la plasticité des lobbies locaux et étrangers de l'import. Il ne faut pas être naïf, car ces derniers maintiendront leurs pressions multiformes, en dépit de la crise financière dans laquelle nous baignons, jusqu'au dernier dollar et au dernier euro de nos réserves de change. Quant au budget proprement dit, le déficit affiché dans la LFC 2015 s'élève à 2635 milliards DA, soit à $ 26,35 milliards au taux actuel du dollar ; malgré une réduction de 346,4 milliards DA (augmentation de 242,4 milliards DA en recettes et diminution des charges de 104 milliards DA "résultant d'un redéploiement des crédits dans le budget de fonctionnement"). Ce déficit budgétaire actualisé n'a donc pu être réduit que de 13% seulement, restant dans les mêmes eaux que celui de la loi de finances initiale pour 2015. Ceci étant, les deux séries de mesures concernant les entreprises et "les personnes physiques non impliquées dans des opérations de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme", titulaires de capitaux du circuit informel, appellent de ma part les observations suivantes. Pour le premier point, autant on peut se satisfaire de l'allégement de la pression fiscale sur les entreprises productrices de biens en termes de diminution du taux d'impôt des bénéfices sur les sociétés (IBS) rapporté à 19%, autant je formule pour ma part de sérieuses inquiétudes pour les entreprises de services (ingénierie, formation et innovation, conseil, audit et comptabilité, services bancaires, services informatiques, start-up, etc.) qui vont subir une pression fiscale supplémentaire avec 29% de taux d'IBS. Pour un pays dont la balance des services est structurellement déficitaire d'au moins 10 milliards de dollars par an, et qui est sous-managé, c'est tout simplement incompréhensible. J'ajouterais qu'en termes de substitution aux importations, les activités de services ont la propension la plus rapide de substitution avec en plus un investissement beaucoup plus faible. C'est tout simplement perçu comme un signal de rétropédalage en termes d'économie fondée sur la connaissance qui crée essentiellement des emplois pour les jeunes et les diplômés. Si on voulait simplement surtaxer la revente en l'état pour diminuer les importations de produits finis, on aurait pu simplement utiliser l'instrument fiscal qu'est le numéro d'article d'imposition pour spécifier la niche précise qu'on veut viser. Pour le second point, c'est une percée inédite et la plus significative dans le traitement systémique des activités informelles, mais nous ne savons pas encore le montant du ticket d'entrée de ces capitaux gris dans la sphère bancaire et les premières réactions de leurs titulaires. Affaire à suivre.Pour conclure, on voit bien que cette LFC 2015 a tenté, mais à la marge, sauf pour le dernier point, de réduire la crise financière si on exclut aussi la forte perte de change du dinar par rapport au dollar et l'euro dans une moindre mesure. À l'évidence, c'est insuffisant pour relever le défi de cette crise tant l'ampleur et la durée de cette dernière avaient été sous-estimées. Les grands dossiers de réformes sont à venir. Les sacrifices aussi. Que cela ne vous empêche pas de passer d'agréables vacances. Pour autant que nos plages soient bien gérées et propres. Au moins pour ceux de mes lecteurs qui restent en Algérie et pour ceux de notre communauté à l'étranger qui viendront chez eux.