Les prix du pétrole poursuivent leur dégringolade, atteignant des niveaux de plus en plus déstabilisants pour les économies qui tirent l'essentiel de leurs recettes de l'extraction de cette ressource. Les cours de l'or noir ont, en effet, clôturé à la baisse, vendredi, à 43 dollars le baril. C'est la sixième semaine consécutive de baisse, et cela ne serait pas fini, selon les prévisions les plus optimistes. Pourquoi cette dégringolade et risque-t-elle de s'installer dans la durée ? Le prix du baril risque-t-il de descendre sous la barre des 30 dollars ? Tout porte à le croire. Les schistes américains ont structurellement transformé le marché des hydrocarbures. Les producteurs traditionnels comme les pays de l'Organisation des pays exportateurs du pétrole (Opep) ne sont plus en mesure de fixer des plafonds à l'offre sur le marché et, par ricochet, fixer les prix. Néanmoins, et compte tenu du prix de revient assez élevé des schistes, les pays de l'Opep et à leur tête l'Arabie saoudite qui extraient le pétrole à bas coûts ne fixent désormais que le plancher en dessous duquel l'exploitation de leurs gisements devient peu rentable. Les Américains, eux, fixent le plafond de ces prix parce qu'ils peuvent inonder le marché au cas où l'offre se ferait rare et les prix sur le marché dépasseraient le seuil de rentabilité de leurs gisements. Ce faisant, le refus de l'Arabie saoudite de réduire les quantités mises sur le marché dans un contexte de récession un peu partout dans le monde et le déclin de la demande en Chine, l'un des plus importants moteurs de croissance de l'économie mondiale, a déprimé le marché le pétrole. Et rien n'indique que le royaume d'Al-Saoud est prêt à revoir sa position dans le court terme, laquelle semble obéir à des facteurs plutôt géopolitiques. Avec leurs alliés américains, les Saoudiens veulent affaiblir la Russie qui tire l'essentiel de ses recettes en devises des exportations du pétrole et du gaz et qui contrarie leurs plans pour le Moyen-Orient. Parce que, s'il y a une rationalité économique à l'attitude saoudienne, c'est qu'elle permet aux producteurs à bas coûts à pomper plus de pétrole sur le marché. Quitte à contraindre les producteurs américains des schistes dont un baril à moins de 30 dollars pourrait provoquer l'arrêt de leurs gisements. Sauf que cette hypothèse ne gêne pas les Etats-Unis, la plus puissante et diversifiée économie au monde, car, cette industrie pétrolière ne représente que 2,5% de leur PIB. D'autant que des hydrocarbures pas chers réduiraient les coûts de l'énergie pour l'ensemble de leur économie et sortiraient de l'impasse bien d'autres secteurs industriels aux Etats-Unis. En ce sens, bien d'autres gisements conventionnels russes, dont les coûts d'exploitation sont les plus chers au monde, vont s'arrêter. Aussi, le retour des gisements iraniens suite à l'accord sur le nucléaire conclu mi-juillet avec les puissances occidentales va encore doper l'offre déjà abondante sur le marché et tirer encore les prix vers le bas et installer cette baisse des prix dans la durée. Et, surtout, retarder les investissements dans les secteurs des énergies renouvelables dont la rentabilité pose toujours problème. Ainsi, les petits producteurs comme l'Algérie sont des victimes collatérales du jeu géopolitique des grands producteurs justement. Ses recettes, provenant essentiellement des exportations des hydrocarbures, continueront de baisser et les prix orientés à la baisse à cause de cette situation prolongée de surplus de l'offre du marché, risquent même de la déstabiliser. Pour autant que les conflits au Moyen-Orient et les divergences entre les membres de l'Opep, entre l'Arabie saoudite et l'Algérie notamment, au sujet de la révision des quantités mises sur le marché, persistent. L. H.