Résumé : Mordjana avait remarqué le changement qui s'opérait dans le comportement de son mari. Ce dernier travaillait beaucoup et rentrait de plus en plus tard. Elle trouve néanmoins le temps moins long avec Amir. Un soir, elle confie à Samir que son grand-père Ameur était mourant et qu'elle devrait se rendre à son chevet. Il relève la tête de son ordinateur et demande : -Tu veux partir au Sud ? -Oui. Il le faut bien d'ailleurs. Je veux arriver à temps, et le revoir une dernière fois. Grand-mère m'a dit qu'il ne cessait de me réclamer. Je n'aimerais pas l'avoir sur la conscience pour le restant de mes jours. -Voyons Mordjana, je ne pense pas que ton grand-père soit aussi malade que tu le penses. Nous dramatisons tous les choses devant les vieilles personnes. Elle secoue la tête. -Grand-mère n'est pas une petite nature. Elle n'aime pas justement dramatiser les choses. Si elle a osé me lancer un ultimatum, c'est que l'heure est des plus sérieuses. Samir hoche la tête. -Je compatis à cette éventualité. Mais comment feras-tu pour Amir ? -Je ne peux pas l'emmener avec moi au Sud, bien entendu. Il fait trop chaud en ce moment, et il est encore trop petit pour faire un long voyage. Et puis, il y aura du monde chez grand-père, je n'aimerais pas qu'il soit traumatisé par tous ces regards qui se poseront sur lui -Tu as bien appris la leçon avec ce qui s'était passé auprès des miens. -Absolument. -Quelle est donc la solution ? Elle soupire : -Je vais devoir le confier à Malika. Elle en sera sûrement heureuse. Il hausse les épaules. -Si tu y tiens ! Elle fronce les sourcils. -Tu y vois un inconvénient ? -Je pense qu'Amir s'est attaché à nous. Il ne pourra peut-être pas supporter notre absence trop longtemps. -Longtemps ? Je ne serai absente que pour quelques jours. Deux ou trois jours tout au plus. Tu es là toi ! Si tu vois qu'il ne peut pas supporter notre absence, tu pourras le récupérer chaque soir et t'occuper de lui. Ne s'attendant pas à cette réponse de la part de sa femme, Samir bondit sur ses pieds. -Je ne peux pas m'encombrer d'un enfant de son âge alors que je n'ai pas un moment pour respirer. Tu le sais bien d'ailleurs. Mordjana lui jette un regard plein de reproches. -Oui. Tu travailles ! Tu bosses ! Et moi donc ? Que fais-je d'autre ? Je travaille moi aussi, ne l'oublie pas. Huit heures au bureau, et mon temps libre je le partage entre le ménage, les courses et le petit. -C'est toi qui l'a voulu. -Quoi ? C'est moi qui ai voulu quoi ? -Ce petit, pardi ! Tu étais sûre de toi. Tu voulais avoir un enfant. C'est le prix à payer pour cette acquisition. On s'était déjà concerté sur le sujet, et tu t'es montrée très emballée. Mordjana demeure stupéfaite. Elle ne reconnaissait plus son mari. Elle s'approche de lui et le regarde dans les yeux. -Je ne sais pas ce qui t'arrive ces derniers temps, mais je peux t'assurer que tu n'es plus l'homme que j'ai connu et aimé. Honteux, Samir baisse les yeux. Mordjana poursuit : -Je n'ai rien contre ce pauvre gosse, qui a plutôt égayé notre maison et nous a redonné la joie de vivre. Je m'en prends plutôt à toi. Tu étais consentant pour cette adoption, Samir. Je suis très heureuse d'avoir Amir avec moi, et je donnerai la prunelle de mes yeux pour l'élever et lui assurer un bel avenir. Seulement, mon chéri, un enfant doit avoir ses deux parents près de lui. Tu as tendance à oublier que nous formons maintenant une petite famille. Tu ne rentres qu'à des heures impossibles, et à peine ton dîner avalé que tu reviens dans la chambre pour te replonger dans ton ordinateur. Je ne me suis jamais plainte de cette situation qui dure depuis plusieurs mois. Ce que je constate par contre, c'est ton laisser-aller ces derniers temps. Tu deviens distant, distrait et anxieux pour je ne sais quelle raison. Que me caches-tu donc, Samir ? Qu'est-ce qui te préoccupe au point de t'éloigner de moi et de ton fils ? Pris au dépourvu par cette question qu'il n'attendait pas, Samir se rétracte : -Je ne te cache rien. C'est juste le surmenage ! Je ne suis pas aussi inconscient que tu le penses Mordjana. Moi aussi je pense à Amir et à son confort. Si ce n'était pas le cas, je ne serais pas aussi préoccupé de son sort pour ces quelques jours où tu dois t'absenter. (À suivre) Y. H.