Résumé : Hasna est offusquée... Elle refuse d'entendre raison, et reproche à son fils sa faiblesse envers sa femme. Selon elle, seul l'avis de Mordjana comptait dans ses décisions... Elle s'estime lésée dans ses droits et ne cesse de se plaindre de son sort et sermonne son Samir sur l'adoption d'Amir. Il hausse les épaules : -Excuse-moi maman, mais je crois que ce sujet nous concerne en premier lieu Mordjana et moi. -Tu veux dire que n'ai pas à m'en mêler ? Il baisse les yeux sans répondre. Elle poursuit alors : -Tu ramènes un enfant qui n'a pas de racines. Tu lui donnes le nom de la famille, et tu oses insinuer que je ne dois pas m'y impliquer. -Je n'ai insinué rien du tout... Amir est désormais notre fils, à Morjana et moi... Cette dernière arrivait justement à leur hauteur avec l'enfant dans ses bras. Amir avait le visage inondé de larmes. Samir le prend dans ses bras : -Que se passe-t-il ?, demande-t-il à sa femme... Pourquoi ces larmes ? -Il est un peu dépaysé bien sûr... Mais son chagrin est dû le plus au fait qu'il avait oublié son jouet sur la table du restaurant... Elle tendit un mouchoir à Samir qui lui essuie le visage. -Cesse de pleurer... Demain je t'achèterais un Spiderman tout neuf, et bien plus grand. Amir regarde autour de lui et remarque Hasna qui suivait silencieusement les propos échangés entre son fils et sa bru. Il tendit un doigt vers elle et sourit : -Mamie... Frustrée, elle prend un air dédaigneux : -Qui lui a dit de m'appeler ainsi ? -Moi, lance Mordjana... Comment veux-tu qu'il t'appelle alors ? Hasna se tourne vivement vers elle : -Espèce de vipère... Tu es la pire sorcière que je n'ai jamais connue... Mordjana, dépitée, jette un regard interrogateur à son mari... Samir pousse un long soupir et tend l'enfant à sa femme : -Tiens... Fais-le dîner et mets-le au lit... Moi, je suis trop fatigué ce soir pour m'occuper de lui... Je préfère me retirer dans ma chambre. Mordjana jette un regard meurtrier à sa belle-mère qui gâchait leur première soirée avec Amir, avant de se diriger vers la cuisine. Hasna hausse les épaules et prend un air hautain avant de s'éloigner vers le fond de la cour pour ramasser son linge sans demander son reste. Sa colère s'était envolée, mais elle n'arrivait pas à se départir de cette envie de donner deux gifles à sa belle-fille... Elle l'entendait qui parlait d'une voix douce à Amir. Ce dernier riait et babillait. Demain, elle ira rendre visite à ses belles-sœurs Djoher et Fettouma et leur demandera conseil... Elles avaient vu juste la dernière fois où elles s'étaient revues. Si elle ne prenait pas les devants, c'est elle qui risque de se retrouver dehors... Bouh ! Même ses deux jeunes garçons ne voyaient aucune anomalie dans le comportement de leur frère aîné... Eux aussi ont été ensorcelés. Quant à Malika, vaut mieux pas trop la narguer. C'est elle la première qui avait été le bouc émissaire de Mordjana. Hasna pousse un soupir : il est grand temps de penser à un sérieux désenvoûtement. Les jours qui suivirent ne furent pas de tout repos pour Mordjana. Elle devait non seulement s'occuper de son petit garçon, mais aussi faire face à la famille et aux invités qui n'arrêtaient pas d'affluer à la maison pour rencontrer le petit Amir. Plus curieux que compatissants, la plupart d'entre eux dévisageaient l'enfant ou le palpaient comme s'il était différent des autres garçons de son âge. Les femmes n'arrêtaient pas de poser des questions sur sa famille et sur la vie à l'orphelinat. Etait-il normal ? Parle-t-il correctement ? Faisait-il des cauchemars la nuit ? Mordjana qui ne pouvait refuser de recevoir tout ce monde que sa belle-mère conviait indéniablement tentait de répondre poliment à toutes les interrogations. Elle tentait aussi d'éloigner Amir le plus possible de ces mégères qui le dévoraient des yeux... Elle craignait le mauvais œil... Sa grand-mère l'en avait déjà avertie et à maintes reprises... Samir acceptait très mal le défilé quotidien des membres de la famille qui, sous prétexte de les féliciter pour cette adoption, voulaient plutôt connaître le gosse qui avait permis à sa mère de reprendre goût à la vie, et à son père de se sentir enfin dans la peau d'un paternel. Bien sûr, les critiques ne manquaient pas. Certes, Amir était beau et intelligent, mais pourquoi avoir eu recours à une adoption auprès d'un orphelinat ? Pourquoi ne pas avoir consulté la famille dans cette initiative ? Des cousins à Samir et même ses oncles avaient plusieurs enfants... N'aurait-il pas été plus sage d'élever un enfant de la famille au lieu de ramener un étranger sans aucun repère ? (À suivre) Y. H.