Résumé : Mordjana argumente son départ au Sud par le fait que son grand-père la réclamait et qu'elle n'aimerait pas l'avoir sur la conscience si quelque chose lui arrivait. Samir compatit à cette éventualité. Cependant, il y avait Amir. Mordjana ne voulait pas l'emmener avec elle et propose à son mari de le confier à Malika. Mordjana insiste : -Ta sœur Malika est très bien placée pour s'occuper de lui... Mais ce qui me chagrine le plus, c'est ton attitude ces derniers temps. Un peu ébranlé par ces déclarations, Samir domine ses émotions : -Désolé Mordjana, je ne voulais pas en arriver là... Je suis surmené et stressé... Je te promets de me ressaisir... Je devrais me reposer et dormir davantage... Heu... je vais aussi penser à ces vacances dont tu m'avais parlé... Dès ton retour du bled, j'y penserais sérieusement... Je sens que je ne pourrais pas continuer ainsi... Mordjana le toise, puis se reprend : -Parfait... Je ne vais pas m'étaler là-dessus. Je partirais au bled en fin de semaine... -Oui, ma chérie... Fais ce qui te paraît le plus correct pour ton grand-père... Heu... J'aurais voulu t'accompagner mais... Elle lève une main et l'interrompt pour lancer sur un ton ironique : -Inutile d'aller plus loin... Tu travailles sans répit... Tu n'as pas le temps de penser aux autres. Le week-end arrive. Mordjana dépose Amir chez sa belle-sœur et prend un taxi pour se rendre à l'aéroport. Pour la première fois depuis leur mariage, Samir et elle se boudaient. Elle se promet de revenir sur certains sujets de leur récente discussion dès son retour du Sud. Samir devenait distant... Elle l'avait déjà ressenti. Mais ce qui l'inquiétait le plus, c'était son comportement envers Amir... Il ne le voyait presque plus... À peine s'il demandait de ses nouvelles, ou faisait mine de s'intéressait à son état de santé lorsqu'il était souffrant. Il y avait anguille sous roche, se dit Mordjana, qui regardait les nuages par le hublot... Trop de zones d'ombres planaient sur leur couple...Dès son retour, se promet-elle, elle avisera. Si Samir persiste dans son comportement, elle saura comment lui tirer les vers du nez. Il faisait nuit noire lorsqu'elle arrive chez ses grands-parents. Mimouna se tenait au chevet de son mari, et Mordjana remarque tout de suite son visage émacié et ses yeux larmoyants. La jeune femme est horrifiée. Son grand-père n'avait plus que la peau sur les os, et son regard était déjà éteint. Elle prend sa main et la porte à ses lèvres, avant de laisser échapper deux longues larmes. Le vieil homme se tourne vers elle, et ébauche un sourire avant de lancer d'une voix à peine audible : -Mordjana... Tu es là ma fille... Elle étouffe un sanglot et lance un regard plein de tristesse à sa grand-mère qui acquiesce : -Il t'a reconnue... Cela fait des jours qu'il demande après toi. -Il n'était pas dans cet état lors de ma dernière visite. -Certes, mais tu connais ton grand-père, il ne laisse jamais rien paraître... On pensait tous que ses douleurs articulaires étaient dues à des rhumatismes... Elle soupire et poursuit : -Hélas ! Ce n'était pas le cas... Les médecins ont découvert avec beaucoup de retard qu'il souffrait d'une tumeur aux reins. Les deux sont atteints, et ils ne peuvent plus rien faire... Le vieillard avait les yeux fermés et le souffle court. En temps normal, on aurait juré qu'il dormait. Mordjana passe une main sur son front et lui demande : -Comment te sens-tu baba Ameur ? Il rouvrit les yeux et murmure : -Dieu seul est capable de comprendre l'intensité de ma souffrance... Non pas celle du corps mais celle de mon esprit et de mon cœur. Lui seul, l'Unique, le Miséricordieux sait reconnaître le fond de chacun de ses êtres, et leur venir en aide. Je l'implore pour vous tous... Et en particulier pour toi, ma fille. Mordjana essuie ses larmes : -Que Dieu te vienne en aide et allège tes souffrances... Je sais que j'arrive un peu en retard, mais je suis là, et je resterais autant de temps que cela m'est possible... -Pourquoi ma fille ? Je ne veux pas te savoir loin de ton mari et de cet enfant dont on m'a parlé... Comment s'appelle-t-il déjà ? -Amir... Il sourit tristement : -Un prince... Je suis certain qu'il est aussi beau que son nom... -Je le ramènerais à mon prochain voyage.... -Si je suis encore de ce monde d'ici là, ma fille... -Ne dis pas ça grand-père... Que Dieu t'accorde une longue vie, et te garde auprès de nous le plus longtemps possible. Il sourit encore : -J'aimerais bien rester auprès de vous tous, mais vois-tu Mordjana, je ne fais que suivre le destin de l'humanité... Nous ne sommes que des passagers sur Terre... Des morts en sursis... Chacun de nous doit rejoindre le Plus Haut dès que son heure sonnera... Je ne pourrais y faire exception... (À suivre) Y. H.