Plutôt que de rassembler les rangs, l'initiative lancée par des leaders islamistes, notamment Djaballah et l'ancien président d'El-Islah, Mohamed Boulahia, a accentué la déchirure entre les frères rivaux. L'absence de Djaballah à l'université d'été du MSP, qui n'a même pas délégué un de ses représentants, est le signe qui ne trompe pas. La détérioration des relations entre les dirigeants du courant islamiste a bien atteint un point de non-retour. Ce n'est plus une simple différence d'appréciation ou d'approche d'un événement qui survient sur la scène politique. Nombre de raisons ont concouru à l'éclatement de divergences profondes entre ses principaux acteurs de la mouvance islamiste. À commencer par la rencontre d'Abderrezak Makri avec le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, qui a eu pour effet de jeter la suspicion sur la démarche du MSP, surtout chez le leader du FJD, Abdallah Djaballah. Ce dernier, qui s'en trouvait certainement conforté dans ses convictions par la démarche du MSP, considérée comme un "impair", a aussitôt pris la décision de changer de fusil d'épaule, prenant ses distances non seulement avec la coordination de l'opposition, mais aussi et surtout avec l'Alliance verte (AAV - MSP, Ennahda et El-Islah). Le président du FJD reproche à Makri de n'avoir pas informé sur la tenue de sa rencontre avec le directeur de cabinet de la Présidence. Mais il ne s'arrête pas à cela. Il a vite enchaîné par une initiative de fédérer autour de sa personne les partis islamistes, y compris ceux d'Ennahda et d'El-Islah où il comptait plusieurs anciennes ouailles. Peine perdue, visiblement. Ses vis-à-vis islamistes ont poliment décliné son offre, en témoigne la déclaration de Filali Gouini, du SG d'El-Islah, et néanmoins chef du groupe parlementaire de l'AAV, qui s'est dit "non concerné ni de près ni de loin par cette initiative". L'initiative visant à fédérer les rangs islamistes est morte, avant même d'être née. Les animateurs des autres formations politiques islamistes, notamment le MSP, avaient décliné, elles aussi, l'offre, en prétextant qu'ils n'y ont pas été conviés en tant qu'entité partisanes. Mais ils redoutent, en vérité, que Djaballah ne veuille excercer le leadership sur la mouvance islamiste, connaissant sa propension au "zaïmisme". Djaballah a beau jurer son innocence, affirmant que son initiative avait été mal comprise, en vain. Son adjoint, Lakhdar Benkhellaf, a expliqué qu'aucun mouvement islamiste n'y avait été associé en tant que tel, y compris le FJD qui, pourtant, est à l'origine de l'idée, mais que seules les personnalités avaient été invitées. Malgré cela, le rendez-vous d'El-Tarf, d'il y a quelques jours, a été boudé. Récemment, une vive polémique sur les réseaux sociaux a éclaté entre Makri et Benkhellaf, lorsque le premier a interpellé le second au sujet de la rencontre entre le député du parti et membre de la commission de la défense nationale au sein de l'APN, Hacène Aribi, avec le Premier ministre et la campagne qu'il mènerait pour présenter Abdelmalek Sellal comme "un bon candidat à la présidentielle". Une polémique qui cache les divergences de fond et d'approches entre Djaballah et ses "frères", qui remontent à la Rabita islamique, le premier noyau de la mouvance islamiste. A R.