Résumé : Samir est papa d'un petit garçon et d'une petite fille. Le moment d'émotion passé, il demande des nouvelles d'Ilhem. Le chirurgien tente de le rassurer, mais le déroute en lui apprenant que la jeune femme est en réanimation, et que les prochaines heures seront décisives dans son cas. En attendant, il l'exhorte à aller voir les petits à la nurserie. Désormais c'est à lui de jouer. Le médecin hoche la tête : -Oui. À vous. Etant donné que votre femme n'est pas encore en état de s'en charger, vous devriez trouver quelqu'un pour s'occuper d'eux, les nourrir, les changer, etc. Vous avez une personne en vue ? Une maman, une sœur ? Samir se passe la main sur le visage. Ces bébés étaient à peine conscients de leur existence, et il n'admettait pas encore qu'il était leur père, alors qu'Ilhem, leur mère, était en salle de réanimation entre la vie et la mort. -Vous semblez déphasé Samir. Il sursaute. C'était bien le mot. Il était déphasé. Trop de choses arrivaient en même temps. Va-t-il pouvoir tenir le coup et affronter tout le marasme des jours à venir ? Car il n'en doutait pas, sa vie ne sera plus de tout repos. Le médecin le tire par la main : -Vous êtes heureux tout de même de voir vos enfants ? -Bien sûr que je le suis. Mais je suis aussi triste. -Je comprends. Avez-vous choisi des prénoms ? -Des prénoms ? -Oui. Vous allez donner des prénoms à ces petits, n'est-ce pas ? -Oui... Je ne sais pas encore. Ilhem avait choisi des prénoms, mais je ne me les rappelle pas. Attendons qu'elle reprenne connaissance pour lui poser la question. -J'aimerais bien. Mais l'administration n'attendra pas jusque-là. Nous devrions les inscrire sur un registre. Vous avez bien remis votre livret de famille à l'admission. -Le livret de famille ? Non. Je... Nous n'avons pas de livret de famille. -Vous plaisantez ? -Je n'en ai pas du tout envie, croyez-moi. -Alors expliquez-vous. -Ilhem et moi sommes... Il marque une pause, et le médecin intervient : -Mariés religieusement. -Même pas docteur. -Comment cela ? Je ne vous suis pas. -Nous sommes ensemble depuis quelque temps. À vrai dire, nous étions fiancés. Et puis je me suis marié, et Ilhem a ressurgi dans ma vie et je n'ai pu empêcher ce qui vient d'arriver. Je suis le premier fautif dans tout ce scénario. Le médecin fronce les sourcils : -Je n'arrive pas à le croire. Un couple moderne comme le vôtre. Samir hoche la tête : -Je vais tout vous expliquer. Pourrais-je avoir un verre d'eau, docteur ? Le médecin lui jette un coup d'œil, et remarque enfin sa pâleur et ses mains tremblantes : -Suivez-moi dans mon bureau. Nous serions plus à l'aise, et je pourrais vous verser autant de verres d'eau que vous en voudrez. Un peu confus, Samir sortit de la nurserie pour se rendre au bureau du médecin, qui non seulement lui sert un verre d'eau, mais lui intime l'ordre de s'allonger un moment sur le divan afin de récupérer de ses émotions. Il demande deux cafés bien forts, et vient se mettre en face du jeune homme pour écouter son récit. Mordjana courait à travers la maison en sanglotant. Son grand-père venait de rendre l'âme le matin même, alors qu'elle s'apprêtait à se rendre à l'aéroport. La nouvelle l'avait ébranlée. Elle s'attendait à son départ imminent, et malgré une préparation phycologique, elle n'arrivait pas à admettre que Baba Ameur n'était plus là. Maroua la retint par le bras alors qu'elle traversait le couloir : -Arrête Mordjana ! Arrête de courir ainsi comme une folle à travers les chambres . La jeune femme s'arrête et regarde sa sœur : -Grand-père est parti. Maroua hoche tristement la tête : -Oui. Sa maladie a eu le dessus. Je dirais plutôt que Dieu dans Sa clémence a abrégé ses souffrances. Qu'il repose en paix. (À suivre) Y. H.