La conférence de presse d'Ahmed Ouyahia a semblé motivée par un seul impératif : apporter un démenti à une supposée guerre entre lui et le Premier ministre. L'occasion a été également pour lui d'affirmer que la Constitution n'est pas prête, mais sera probablement présentée cette année et qu'il ne convient pas de solliciter le FMI tant qu'il y a encore de l'argent. "Pouvez-vous imaginer le directeur de cabinet du président de la République critiquer le Premier ministre ? C'est un non-sens." C'est en des termes aussi clairs et précis que le secrétaire général par intérim du RND, Ahmed Ouyahia, a mis fin, hier, dans une conférence de presse qu'il a animée au siège national de son parti, à la rumeur sur un prétendu désaccord avec le Premier ministre. "Je suis camarade avec Abdelmalek Sellal depuis 1972. Le RND a six ministres au gouvernement. Nous adhérons pleinement à sa politique", a-t-il poursuivi. Pourtant au gré de ses réponses, il a marqué de nombreuses divergences avec la stratégie de l'Exécutif. Il a exprimé une opposition franche à l'option de l'endettement extérieur. "Nous avons perdu, depuis juillet 2014, environ 50 milliards de dollars des réserves de change. Nous avons encore une marge de sécurité d'approximativement 150 milliards de dollars. L'endettement ne nous fera pas un pincement au cœur, mais mal au cœur tant qu'on a de l'argent. Solliciter maintenant le FMI sera une hécatombe pour les citoyens", a asséné Ahmed Ouyahia, en jugeant plus profitable de rajouter des taxes par-ci, par-là ou d'augmenter légèrement les prix des carburants. Ainsi l'homme prône un discours rassurant, dix jours à peine (c'était à l'ouverture de la session parlementaire d'automne) après que le Premier ministre eut affirmé que l'Algérie est en face d'un "choc économique". Il a indiqué que les hydrocarbures ne constituent que 30% de l'économie nationale, qui s'appuie, à hauteur de 10% sur l'agriculture, 5% sur l'industrie et 18% sur les services. "Le problème est que nos exportations sont fondées essentiellement sur le pétrole. Nous avons une réserve de potentialités. Mais il faut travailler." Plus explicite, il a estimé qu'il faut, désormais, rationaliser les dépenses et augmenter les revenus. "Aujourd'hui, nous sentons le danger. Dans cinq ans, il ne nous restera pas un dollar si nous n'arrangeons pas nos affaires et améliorons la production nationale (...) Si nous ne limitons pas les importations, nous irons à la mort." Sur un ton plus dur, il a fait part de l'obligation morale de prendre "courageusement la décision de s'attaquer à l'économie invisible". Il n'a pas détaillé davantage sa pensée. Bien entendu, le patron du Rassemblement national démocratique a été interpellé rapidement sur le sort réservé au projet de révision constitutionnelle. "Le dossier n'est pas encore finalisé. C'est là un élément matériel. Nul ne peut avancer une date précise sur sa présentation. Je dirai qu'elle le sera probablement au cours de cette année", a-t-il soutenu prudemment. Quelques instants plus tard, il revient au sujet, sur sollicitation d'un journaliste, en rappelant que le pays possède déjà une loi fondamentale en vigueur. Sa révision n'est guère une urgence absolue, puisqu'elle ne servira qu'à améliorer le système de gouvernance. Il est allé néanmoins d'une petite confidence sur laquelle il n'a pas trop épiloguer. "Sans la maladie du président de la République, la Constitution aurait été révisée en 2013." Sur l'affaire Madani Mezrag, le secrétaire général par intérim du rassemblement s'est montré plutôt versatile. "La conviction est que personne ne veut nous replonger dans la crise sécuritaire", a-t-il affirmé avant d'informer que l'ancien chef de l'AIS n'a pas organisé d'université d'été, mais qu'il s'est juste réuni avec ses troupes comme il le fait chaque année, depuis 2000, à Jijel. Pour lui, il s'agit d'une manipulation de l'opinion publique pour créer le désordre dans le pays. "Madani Mezrag n'a pas l'intention de créer un parti politique. Et même si, l'Etat ne le laissera pas faire." Catégorique, il a, toutefois, assuré qu'il n'y aura pas écriture de nouveaux chapitres au livre de la Réconciliation nationale, qui est définitivement clos. Ahmed Ouyahia n'a pas voulu commenter l'arrestation du général Hassan au motif que l'affaire est en justice. Il a été, en revanche, prolixe sur la restructuration des services de sécurité, en inscrivant l'opération dans la normalité de l'exercice des prérogatives du chef de l'Etat, aussi chef des armées et ministre de la Défense nationale. "Le président Bouteflika n'est pas Néron (empereur romain du premier siècle de l'ère chrétienne). Il ne veut pas brûler le pays. Beaucoup de rumeurs et d'analyses se font autour des changements dans le corps du DRS. Des services sont placés sous l'égide du frère Gaïd Salah que je respecte et qui est très actif sur le terrain. Il n'y a pas de lecture à faire. Ce n'est pas une guerre menée par Bouteflika." Il a souligné que l'Armée nationale est revenue à ses missions conventionnelles après s'être investie dans la lutte antiterroriste. La dissolution du GIS et du Scorat relève, de son point de vue, d'une démarche logique après le terrorisme. Il a regretté la publication, dans un journal national, d'un écrit portant sur le fonctionnement des services de sécurité. "Je ne fais pas de reproche à ce journal. Il n'a publié que ce qu'on lui a donné. Il n'en demeure pas moins qu'aucun pays au monde ne livre des secrets de sécurité d'Etat." À partir de là, les questions se sont diversifiées, les réponses d'Ahmed Ouyahia aussi. Sur la promptitude du secrétaire général du FLN à refuser d'adhérer à la proposition du RND portant création, à quatre partis (RND, FLN, TAJ et MPA) d'un pôle politique autour du projet du président Bouteflika et de former un Front élargi, Ouyahia a considéré que ce n'est pas "un problème de terminologie, mais de stratégie. Il viendra un jour où nous nous rencontrerons". Il n'a exprimé, a contrario, aucune équivoque sur son rejet de l'offre de consensus du FFS. "La démarche du FFS ne correspond pas à notre vision" Quant à l'opposition, il a dit qu'il ne l'invectivait pas pour son discours. "Nous lui reprochons de critiquer sans suggérer des alternatives", a-t-il dit. S.H.