Résumé : Hasna avait entendu toute la conversation téléphonique entre Malika et Samir et était heureuse d'apprendre que son fils était père de jumeaux. Elle réitère à sa fille que Mordjana n'était qu'une sorcière et qu'elle-même était une victime de ses amulettes. Malika tente de raisonner sa mère. Cette dernière semble plutôt enchantée par la tournure de la situation. Malika lève la main : -S'il te plaît maman, n'en rajoute pas. Je comprends amplement ta joie, mais tu oublies qu'Ilhem risque de mourir d'une minute à l'autre, et que ces deux malheureux vont devenir orphelins et à la merci du premier venu. -Non, crie Hasna qui porte la main à ses cheveux. Tant qu'il me reste des cheveux sur la tête, je ne vais pas les laisser à la merci du premier venu. C'est moi qui vais me charger de leur éducation et veiller à leur confort. Malika secoue la tête : -Je ne sais pas si tu te rends compte de ce que tu dis, ou est-ce juste des propos que tu vas oublier une fois réveillée demain matin. Nous aviserons du devenir de ces bébés au moment opportun. Et puis, qui dit qu'Ilhem ne va pas s'en sortir. Dieu est grand, et Ses miracles ne sont plus à démontrer. -Dans ce cas-là, je demanderai à Samir de larguer Mordjana et d'épouser Ilhem. Malika secoue encore la tête. Sa mère prenait de l'âge et devenait de plus en plus agaçante. Elle lui prend le bras et la pousse vers sa chambre. -Assez palabrer pour ce soir. Il se fait tard, allons prendre quelques heures de repos. Il y avait encore beaucoup de monde dans la maison des grand-parents. Mordjana aidait Maroua à nettoyer la cour et à mettre de l'ordre dans les chambres et la cuisine. On était au troisième jour du décès, et les gens affluaient encore de partout pour présenter leurs condoléances à Mimouna et au reste de la famille. Amir courait avec des petits enfants autour du grand bassin de la cour, et revenait de temps à autre vers sa mère pour demander à boire ou à manger. Mordjana le serrait alors dans ses bras, en se disant que si elle n'avait pas ce petit bout de chou près d'elle, elle ne saurait affronter tous ces passages à vide qu'elle vivait ces derniers temps sans interruption. Son chagrin était encore trop récent et trop vif. Son grand-père laissait un vide qu'elle ressentait jusqu'au tréfonds d'elle-même. Et puis il y a Samir qui la décevait. Samir, si prompt à répondre à ses besoins, la délaissait au moment où elle avait grand besoin de l'avoir à ses côtés. Il lui avait promis de venir le week-end prochain. On était juste lundi, et trois jours les séparaient encore ! Elle laisse couler quelques larmes, puis soupire et relève la tête pour rencontrer le regard de Maroua. Un regard plein de sollicitude et de compassion. -Allons Mordjana. Ne sois pas si triste. Tu me fais de la peine de te voir dans cet état de lassitude morale. -Je ne me sens pas bien ces derniers temps Maroua. Je suis tout à la fois triste, mélancolique, taciturne. Je n'en sais plus où j'en suis. -Cela se comprend. Tu as tellement lutté seule, et contre tout le monde, que maintenant les forces te manquent pour surmonter ton chagrin. Hélas ! Même si tu pleures nuit et jour et ta vie durant, grand-père Ameur ne reviendra pas. Fais-toi donc une raison et tâche plutôt de consoler grand-mère. -Elle est bien plus courageuse que je ne le pensais. -Elle se rend tout simplement à l'évidence. Grand-père était malade et devait partir. Elle aussi partira un jour. -Ne dis pas ça Maroua. Rien qu'à cette pensée, je me sens défaillir. Maroua hoche la tête. -Cela fait mal de l'imaginer. Mais tu sais bien que nul n'est éternel dans ce monde. -Oui, oui, je le sais, mais je préfère ne pas y penser. Il y a quelques mois, je pensais que c'était yemma Mimouna qui allait partir la première. Lors de mon dernier passage, elle était si fatiguée, si chétive, que j'ai cru qu'elle n'allait pas terminer l'année. Grand-père était plutôt bien portant. Maroua lui entoure les épaules : -Il ne faut jamais se fier aux apparences. Grand-père est parti vers un monde meilleur, où ni souffrance ni chagrin n'existent. Soyons plutôt heureuses pour lui. Mordjana soupire : -Allah yerahmou. Il mérite de se reposer dans l'éternité. J'implore Dieu de lui ouvrir les portes de Ses jardins fleuris, et de prêter longue vie à yemma Mimouna. Maroua acquiesce. -Elle est notre seule alliée maintenant. Que deviendrons-nous sans elle ? Mordjana allait répondre, lorsqu'elle sentit un vertige la gagner. La cour se met à tournoyer autour d'elle et elle dut s'accrocher à sa sœur pour ne pas tomber. -Qu'as-tu Mordjana ? Tu ne te sens pas bien ?, demande Maroua en retenant sa sœur de justesse. Mordjana reprend son souffle et prend une lente inspiration avant de passer la main sur son visage : -Je ne sais pas ce qui m'arrive. J'ai eu un vertige. Je crois que c'est le manque de sommeil. Maroua met une main autour de la taille de sa sœur et l'entraîne vers une chambre. -Tu devrais te reposer ma sœur. Tu es surmenée. Cela fait des jours et des nuits que tu ne dors pas assez. Pour ne pas dire pas du tout. -Je ne pouvais laisser yemma Mimouna veiller Baba Ameur alors que je suis là. -Oui, mais il fallait aussi penser un peu à toi. (À suivre) Y. H.