La contrebande de carburant, semble-t-il, se légalise à Tamanrasset au point que l'on se permet de remplir au grand jour des citernes censées être destinées à l'approvisionnement en eau potable. Le constat a été fait à la station-service d'Arak, à 400 km au nord du chef-lieu de wilaya, où on a aperçu une citerne rattachée à un tracteur garé devant le distributeur de gasoil. À notre grande surprise, le pistolet servant à servir le fuel n'était pas branché au réservoir de l'engin, mais carrément à la cuve de 2 000 litres. Le plus grave dans cette situation est que la scène s'est déroulée à quelques centaines de mètres seulement des services de sécurité ayant dressé un barrage à l'entrée de cette localité. Comme nous voulions prendre des photos, le pompiste de la station s'est insurgé contre nous : "Vous n'êtes pas autorisés à faire ça. Eloignez-vous de ce tracteur." L'image, qui se passe de tout commentaire, nous a ainsi permis de résoudre l'énigme de l'amplification du trafic de carburant en dépit des gros moyens déployés par l'Etat pour endiguer ce phénomène. L'absence de contrôle et l'implication des pompistes qui travailleraient de mèche avec les réseaux de contrebande, ont favorisé l'importance de ce filon juteux au détriment des usagers qui parviennent à s'approvisionner en ce combustible au prix d'une longue et lassante attente devant cette station de Naftal. Noreddine Dahmane l'a vérifié à ses dépens. Arrivé à 13h à bord de son Dacia Duster à court de carburant, il a dû attendre sous un soleil de plomb jusqu'à 18h pour faire le plein. "Le pompiste ne voulait pas remettre en marche le groupe électrogène qui fait fonctionner la pompe", s'est-il indigné. Abderrahmane, lui, s'est plaint de la qualité du carburant vendu. En arrivant à In-Salah, après avoir parcouru 270 km, il s'est rendu compte que l'essence versée dans le réservoir de son véhicule depuis Arak contenait de l'eau, donc frelatée. "La puissance du moteur a soudainement diminué. Je n'ai rien compris. Il a fallu vider tout le réservoir sur conseil d'un mécanicien pour poursuivre le chemin à destination d'Alger", a-t-il relaté. Il faut signaler que ce qui se passe à Arak n'est qu'un exemple d'une gestion chaotique caractérisant ce secteur à Tamanrasset. D'ailleurs, la gravité de la situation a fait, récemment, réagir le nouveau P-DG de Naftal, Hocine Rizou, qui s'est déplacé à Tamanrasset en visite d'inspection en compagnie des directeurs de branches commerciales, carburant et GPL. Le premier responsable de cette filiale de Sonatrach s'est rendu compte de la nature du travail qu'il doit encore faire et des décisions à prendre pour sauver son district régional d'une déliquescence certaine. L'amer constat arrêté au centre de carburant, ou encore à la station d'essence de Tahaggart, où il s'était rendu, lui a ainsi permis de dévoiler le visage de ses gestionnaires locaux. Le représentant du syndicat des travailleurs a saisi la balle au bond pour présenter à son supérieur hiérarchique les mauvaises conditions dans lesquelles ils évoluent et a réitéré la revendication relative à la révision de l'indemnité de la zone. Au terme de sa visite, le P-DG de Naftal s'est réuni avec le wali de Tamanrasset, Silmi Belkacem, pour essayer ensemble d'étudier, entre autres, les issues possibles de sortie de la crise de carburant qui prévaut depuis bientôt 12 mois. Toutefois, le problème les dépasse, vraisemblablement, puisqu'au lendemain de la visite jalonnée par les marques d'intransigeance manifestées par M. Rizou, la spéculation autour des prix du carburant a repris derechef et les commandes de la station de la ville ont de nouveau été cédées aux faux pompistes. R.K.