Ils convient de décourager les sous-déclarations. Il existe, dans le pays, des niches fiscales inexploitées : pas d'impôt sur les fortunes, pas de véritable fiscalité foncière. Le pays compte trente-cinq (35) multimillionnaires, selon une étude élaborée par la banque suisse UBS et le cabinet singapourien Wealth X. Et si le pays taxait ces avoirs? Pour Lies Kerrar, président et fondateur du cabinet Humilis, spécialiste financier, l'impôt sur les fortunes n'est pas une bonne piste, d'autant plus que l'administration n'est pas suffisamment outillée pour évaluer ces richesses. Ces fortunes sont placées soit dans des banques à l'étranger, soit dans l'industrie locale, soit dans des biens immobiliers. Aussi, suggérons-nous, ajoute-t-il, plutôt la mise en place d'une fiscalité foncière basée sur la valeur marchande avec des abattements de l'impôt foncier pour la résidence principale et/ou la résidence secondaire et ce pour atténuer l'impact sur le pouvoir d'achat et l'accès à la propriété pour les ménages. L'expert financier recommande également une application plus systématique du droit de préemption de l'Etat en cas d'insuffisance du prix déclaré avec l'obligation de l'Etat de mettre le bien aux enchères immédiatement après, effet dissuasif pour les sous-déclarations et de façon transparente. Dans ces opérations, l'accès aux informations complètes sur les enchères sur internet est primordial. Lies Kerrar propose la publication sur un registre électronique accessible librement sur internet de toutes les informations relatives aux transactions foncières et immobilières (identification de l'acheteur et vendeur, prix de la transaction, description du bien : nature, superficie bâtie, non bâtie, etc. et localisation du bien). La formule devrait conduire à une réduction drastique des coûts de transactions immobilières, notamment le droit d'enregistrement dans l'objectif de décourager la sous-déclaration de valeur et de fluidifier le marché foncier et immobilier. Une taxe sur les biens immobiliers générerait d'importantes rentrées d'argent pour un pays qui en tant besoin, dans une conjoncture des plus difficiles. Abderrahmane Mebtoul, économiste, estime lui que le gouvernement aurait tout à gagner en établissant un impôt sur toutes les habitations. (y compris les résidences secondaires). Cela, dit-il, devrait constituer un important gisement à exploiter, en contexte de crise. Seulement, souligne l'expert, la démarche pourrait poser problème, parce que 30 à 40% du parc d'habitations ne dispose pas de titres de propriétés. Autre niche fiscale : Mettre les "porteurs de valises", ces commerçants qui importent de tout et qui ne payent pas d'impôts, dans la légalité, en leur délivrant un registre du commerce, et en les invitant à payer taxes douanières et TVA. L'économiste préconise par ailleurs des taxes sur les produits de luxe. Le pays peut le faire. Le cycle de Doha de l'OMC tenu en 2003 a rendu possibles ces impositions. Lies Kerrar n'apprécie pas la disposition, estimant que le gouvernement à toute la latitude de taxer certains produits de luxe importés. Mais, note-t-il, cela est "inefficace" et est "démagogique". L'Etat, ajoute-t-il, doit élargir l'assiette fiscale, car, aujourd'hui, il y a une minorité qui est fiscalisée, le gros ne l'est pas. Pour y arriver, il doit tout remettre en cause. Il lui est ainsi nécessaire de s'attaquer à l'informel, de supprimer la TAP, de débureaucratiser l'environnement d'investissement. Actuellement, l'impôt qui pèse le plus sur la compétitivité des entreprises est la TAP, impôt calculé en pourcentage du chiffre d'affaires. L'expert financier explique : Cette taxe coûteuse est en fait une "erreur en termes de message économique : cela transmet un message en contradiction avec la volonté affiché des autorités de développer l'industrie. Et en matière économique, la cohérence du message est importante. Les acteurs économiques doivent percevoir que les messages sont clairs, avoir un certain niveau de confiance dans le fait que la volonté affichée par les autorités se traduise par des faits concrets sur le terrain, pour s'engager dans des activités d'investissement qui comportent plus de risques et ont un retour sur investissement". Y. S.