En homme rompu aux escobarderies politiques, Ahmed Ouyahia a laissé au temps le soin de tuer et d'enterrer le projet de Saâdani. "Chaque parti a fait une proposition, y compris le RND. Cela mûrira avec le temps pour dégager une approche commune." Telle a été la réponse diplomatique du Rassemblement au FLN. Le bureau politique du Rassemblement national démocratique (RND) s'est réuni jusqu'à tard dans la journée d'hier sous la direction d'Ahmed Ouyahia pour débattre de l'actualité nationale et de la situation organique. Evidemment, le débat a focalisé sur l'adhésion ou pas du parti à la proposition du secrétaire général du FLN de recréer l'Alliance présidentielle sous une nouvelle forme. Au bout du conclave, le RND a préféré se tenir à l'écart de ce projet. Il a annoncé, toutefois, sa décision avec une certaine retenue dans le discours et une diplomatie dans la formulation. Il a d'abord commencé par réaffirmer que le parti sera "toujours présent en première ligne pour défendre le président Abdelaziz Bouteflika et pour appuyer le gouvernement au Parlement" et qu'il collaborera "avec tous ceux avec lesquels nous partagerons les mêmes positions". Il n'en demeure pas moins que pour l'heure, il estime secondaire la forme que prendra son soutien au chef de l'Etat. "Chaque parti a fait une proposition, y compris le RND. Cela mûrira avec le temps pour dégager une approche commune", a-t-on répondu dans le chapitre consacré à la proposition du FLN. Et c'est là, la réponse du berger à la bergère. Ahmed Ouyahia a lancé, dès sa reprise en main des rênes du RND en juin dernier, l'idée de ressusciter l'Alliance présidentielle sous le profil d'un pôle à quatre têtes (RND, FLN, TAJ et MPA). Le lendemain, Amar Saâdani s'oppose à la proposition de son homologue au Rassemblement et se réapproprie la suggestion sous un aspect déformé. Le pôle devient front et la composante est élargie à toutes les forces politiques qui se cristallisent autour du clan présidentiel. Il est clair alors que le patron du FLN ne voulait pas laisser la paternité d'un projet d'une telle dimension à un rival, lui qui se vante d'une proximité étroite avec le président de la République et ses proches. Au moment où lui-même a mis sur les rails officiellement son projet, Ahmed Ouyahia ne pouvait que lui rendre la pareille, mais dans le respect des usages politiques. C'est ainsi qu'il a laissé passer une semaine avant de réunir son bureau politique et trancher la question. "Nous ne pouvions pas refuser frontalement une offre autour du soutien du Président. Nous ne pouvions pas non plus l'accepter sans condition", nous a expliqué une source proche du BP du RND. Finalement, aucune condition précise n'a été posée. En homme rompu aux escobarderies politiques, Ahmed Ouyahia a laissé au temps le soin de tuer et d'enterrer le projet de Saâdani et par là même ses ambitions de briller sur la scène publique. En définitive, sur ce coup-là, le secrétaire général du FLN a péché par une naïveté déconcertante. S'il s'attendait à un engouement sans précédent pour son front présidentiel, il doit déjà déchanter. Les partis politiques sur lesquels il comptait fonder sa démarche ne montrent pas de l'enthousiasme. Le RND, sans lequel ledit projet n'aura plus aucune raison d'exister, vient de lui dire non. S. H.