Résumé : Lorqu'elle avait atterri dans la capitale, Ferroudja avait été hébergée par un cousin à son père. Chez eux, les garçons partageaient la chambre des filles. Elle devint vite leur cible. Un jour elle se plaint à leur mère. Mais la femme du cousin, révoltée, trouva là un bon prétexte pour la prier de quitter les lieux. "Tu veux souiller ma famille, faire du tort à mes innocents ? Non, je ne te laisserai pas faire, je vais mettre ton cousin au courant de tes idées machiavéliques, puisque ton père n'a pas su t'éduquer. Tu ne connais pas la reconnaissance. Nous t'avons prise sous notre toit et voilà le résultat." Par un matin pluvieux, elle quitte discrètement les lieux pour se retrouver dans la rue. Une rue dont elle ne connaissait pas encore les affres, mais qui lui faisait quand même très peur. Son balluchon sous le bras, elle erre toute la journée telle une folle, à travers les artères de la capitale, avant de s'installer sur une marche à l'entrée d'un immeuble. Quelques âmes charitables, la prenant pour une mendiante, lui jetèrent des pièces de monnaie qu'elle accepta sans broncher. "Au moins de quoi ne pas mourir de faim", se dit-elle. À la nuit tombée, elle entre dans une pizzeria et demande un morceau de pizza et un verre de jus. Un jeune homme la sert et elle en profitera pour lui demander si on n'avait pas besoin d'une bonne. Le serveur la présente alors au patron qui accepte son offre et lui propose de faire la vaisselle pour une somme dérisoire. Ferroudja accepte ce travail occasionnel, mais refuse l'argent et demande la permission de passer la nuit dans le local. Le patron la dévisage curieusement. -Vous n'avez pas de famille ?, lui demande-t-il. -Si. Mais j'habite loin. Il hausse les épaules d'un air indifférent, et l'autorise à passer exceptionnellement cette nuit dans la pizzeria. Ferroudja retrousse les manches devant une pile de vaisselle sale, trop heureuse d'avoir échappé pour cette première nuit au calvaire de la rue. La chaleur de l'arrière-boutique et des cuisines lui redonne du rose aux joues. Avant de fermer la grande salle et de s'en aller, le jeune serveur lui désigne une bonne part de pizza au fromage et une bouteille de jus. "De quoi dîner", lui lance-t-il aimablement. Au petit matin, épuisée, mais contente, Ferroudja quitte la pizzeria, avec cette sensation d'avoir réussi quelque part dans une première étape. La journée était belle et assez chaude. La jeune fille décide de faire du porte-à-porte pour proposer ses services. Femme de ménage, nourrice, cuisinière. Elle acceptera le premier boulot qui se présente. En vain. Ni les ménagères ni les entreprises ne semblaient intéressées par ses propositions. Néanmoins, un quinquagénaire lui avait proposé de travailler comme danseuse- serveuse dans une boîte de nuit. Ferroudja ne connaissait pas ce que c'était une boîte de nuit. Mais le sourire malicieux de l'homme l'avait découragée. Un rejet instinctif à cette proposition s'était emparé d'elle. Elle avait secoué la tête négativement, et s'était éloignée sans tarder. Bien plus tard, elle comprendra qu'elle avait échappé au pire. En fin de journée, le pas lourd et l'esprit embrouillé, la jeune fille s'arrête devant la vitrine d'un grand magasin. Elle contemple un moment les belles toilettes et le beau linge exposé. Quelques clientes, les bras chargés, lui jetèrent des regards de dédain. Avec sa tenue de paysanne et ses nattes, elle formait un paradoxe flagrant entre leur monde et le sien. (À suivre) Y. H.