Octobre peut paraître, à la fois, un mois maudit et de délivrance au Burkina Faso. Mois des coups d'Etat et de la fin du dernier maître de Ouagadougou, Blaise Compaoré, et de sa garde prétorienne qui a régné sur le pays pendant 27 ans. Mois des résurgences des vieux démons que la nouvelle transition tente de fermer avec l'exhumation pour exorciser l'histoire, la page sombre de la Haute-Volta, rebaptisée par le mythe Sankara, Burkina Faso,"pays des hommes intègres". Le 15 octobre 1987, était assassiné le capitaine Thomas Sankara au pouvoir depuis quatre ans propulsé par son "ami" Blaise Compaoré, auteur d'un coup d'Etat qui ouvrira avec le "Che africain" la page d'une véritable révolution, mais menée d'une main de fer. Son élan sera malheureusement interrompu par son "ami". "Si un jour je suis tué, ce sera lui qui le fera", confiait-il à des amis en présence de Compaoré. Le 31 octobre 2014, après 27 ans de pouvoir absolu où même le nom de Sankara était devenu un tabou, l'homme est rattrapé par l'histoire. Son histoire. Il est chassé du pouvoir par une révolte populaire, en octobre 2014, et prend la fuite. Mais naïveté des autorités de transition, ses fidèles collaborateurs et néanmoins complices du putsch contre Sankara sont laissés à leur poste. D'où la tentative de coup d'Etat du 17 septembre 2015 dont l'instigateur n'est autre que le général Gilbert Diendéré, un fidèle, commandant du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dont les quartiers sont mitoyens du palais présidentiel. Arrêté et emprisonné pour haute trahison, il est également soupçonné d'avoir participé, si ce n'est d'être le principal acteur, à la liquidation de l'ancien président en 1987 et dont le dossier a été rouvert à Ouagadougou. L'enquête a été ouverte en mars dernier et les ossements de Sankara et de ses compagnons exécutés ont été exhumés pour les besoins de l'autopsie qui a d'ores et déjà révélé "le corps" de Sankara criblé de balles. Et sa femme, depuis longtemps installée avec ses deux enfants dans le sud de la France sans avoir arrêté de réclamer la vérité sur la disparition de son mari, a été appelée pour son identification. Certaines sources proches de l'enquête avancent déjà qu'il s'agit du corps de l'ancien président avec à l'appui l'indice des vêtements qu'il portait le jour de son assassinat : un survêtement. Par ailleurs, le directeur de la santé à l'époque des faits, le colonel-major Fidèle Guébré, qui avait déclaré que le président Sankara était décédé de mort naturelle alors qu'il a été enterré presque dans la clandestinité, est inculpé pour "faux en écriture publique". Ainsi, les hommes de Compaoré commencent à tomber l'un derrière l'autre en attendant l'éventuelle extradition du chef d'orchestre du coup d'Etat de 1987, Blaise Compaoré, réfugié au Maroc depuis le 20 novembre 2014. Question : la justice burkinabé ira-t-elle jusqu'à demander son extradition du Maroc ? Cela tout en sachant qu'en quittant la Côte d'Ivoire où il s'est réfugié dès sa fuite le 31 octobre 2014, où il pouvait être remis aux autorités de transition de son pays, surtout que le président de la transition, Michel Kafando, avait annoncé la promesse lors de son investiture de l'ouverture d'une enquête sur l'affaire Sankara, raison pour laquelle Compaoré a opté pour le Maroc, pays avec lequel il entretient de bonnes relations. D. B.