Résumé : Nawel repense à sa vie. Elle était venue dans la grande ville pour faire des études, puis elle avait reçu le reste de ses frères et sœurs qui, eux, après avoir terminé leurs études, avaient fait leur vie. Sauf elle. Qui se souciait donc d'elle ? Nardjesse, sa voisine, interrompt ses méditations, elle voulait un conseil. Nardjesse toussote : -Hum... Le sujet pourrait te paraître un peu bizarre. -Raconte toujours. -Je ne sais pas par quel bout commencer. -Allons, de quoi s'agit-il ?, demande Nawel, qui avait remarqué l'embarras de son amie. Nardjesse se met à entortiller ses doigts : -Cela fait déjà cinq années depuis que je suis divorcée. Et alors ? Où est le mal ? Ton mariage a foiré. Tu n'es pas la seule femme qui revient chez ses parents. -Oui, mais moi, j'ai deux enfants. Tu ne peux pas savoir le fardeau que je porte sur mon cœur lorsque je rencontre le regard de ma mère. Je vis aux crochets de mes parents depuis cinq ans, avec deux enfants en bas âge. -Tu ne vis aux crochets de personne. Tu te débrouilles plutôt bien. Tu fais de la couture, des gâteaux. Tu as des doigts de fée. Tu gagnes bien ta vie. Bien mieux qu'une employée d'administration. Nardjesse soupire, et Nawel se lève pour lui servir un café, puis se rassoit en face d'elle. -Alors ? De quoi voulais-tu m'entretenir ? Tu as rencontré quelqu'un ? Nardjesse sursaute : -Comment l'as-tu deviné ? Nawel sourit : -À la rougeur de tes joues et à tes bégaiements. D'habitude tu as le verbe plus facile. Et puis tu ne t'es jamais confiée à moi d'un air aussi sérieux. Allez, raconte ! Qui est l'heureux élu ? Nardjesse rougit davantage : -Heu... C'est un commerçant. -Un commerçant... Voyons cela. Tu le connais bien ? -Oui, assez bien. Je m'approvisionne chez lui depuis des années en accessoires de couture. -Il veut t'épouser ? C'est sérieux ? Nardjesse demeure interdite un moment, avant de demander : -Tu tires vite des conclusions Nawel. On voit bien que tu as l'esprit vif. Enfin, je le conçois, puisque tu écris dans les journaux. -Cela n'a rien à voir avec mes écrits. Tu ne les lis pas d'ailleurs. -Oui, mon niveau d'instruction est limité, tu le sais bien. D'ailleurs, c'est pour cela que j'ai besoin de tes services. -Que puis-je faire pour toi ? -Mustapha (c'est son nom) m'écrit de temps à autre des poèmes. Et j'aimerais en faire de même. -Il t'écrit des poèmes ? Comment fais-tu pour les interpréter ? -Je ne suis pas tout à fait une inculte. J'ai fait des études jusqu'au cycle moyen. Certes, je ne saisis pas toujours le fond, mais je sais que ce sont des poèmes d'amour. Nardjesse se gratte la tête : -Ma foi, tu es bien lancée dans ton aventure avec ce commerçant. S'il est arrivé à t'écrire des poèmes, c'est qu'il est déjà bien épris. -Oui, il avait des intentions sérieuses... - Il avait ? -Oui. Il avait de très bonnes intentions envers moi. Il me respecte et ne voulait que mon bonheur. -Pourquoi parles-tu au passé ? Nardjesse soupire et deux larmes brillèrent dans ses yeux : -Je n'ai jamais eu de chance en amour. Pour une fois qu'un homme sérieux s'intéresse à moi, c'est son entourage qui s'y oppose. Mon statut de femme divorcée joue en ma défaveur. Tu comprends bien que sa famille ne va pas sauter de joie en apprenant qu'il fréquente une femme répudiée et de surcroît mère de deux enfants. -Répudiée ? Mais c'est toi qui avais quitté ce vaurien. Tout le monde te le conseillait d'ailleurs. Ton ex-mari était un psychopathe. Il te battait, prenait ton argent et martyrisait les enfants. Heureux encore que vous vous en êtes sortis indemnes tous les trois. (À suivre) Y. H.